Interview

Combiner confort, ouverture et sécurité dans un souci d’économies

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Combiner confort, ouverture et sécurité dans un souci d’économies

Le Terminal 1 de l’aéroport Roissy-CDG a subi une nouvelle mise en lumière enveloppant et déterminant ainsi les espaces. (Doc. Charles Vicarini.)

Frédéric Gozlan, est directeur des Études et Services techniques de l’aéroport international Nice Côte-d’Azur et membre du directoire. Il préside également l’association Alfa-Aci (Aéroports de langue française associés à l’Airport Council International), qui regroupe près de 80 aéroports autour d’une même volonté de partage de leurs expériences de gestion, de fonctionnement et d’exploitation.

CONCEPTION

Quels sont les grands enjeux pour les aérogares françaises ?

Sur fond de croissance économique faible et de raréfaction des ressources, l’aéroport voulant assurer une croissance durable doit relever trois défis. Le premier est celui de l’acceptabilité sociétale. En effet, sa capacité dépend moins de la capacité technique de ses pistes ou de ses terminaux que de son aptitude à être accepté de son environnement, et ce d’autant que les riverains sont proches comme c’est le cas à Nice (06), véritable aéroport de ville. Le deuxième défi consiste à optimiser les consommations en recourant à de nouvelles technologies, voire à de nouvelles énergies. Sur l’aéroport de Nice, dont la facture énergétique annuelle s’élève à 3 ME, nous avons installé une centrale photovoltaïque de 11 000 m 2 sur le toit du parking des loueurs, ce qui permet au bâtiment d’exploitation d’être à énergie positive. Nous utilisons à côté de cela des Lumandars, afin de gérer la puissance énergétique mise à disposition sous forme de lumière en fonction de la luminosité extérieure. Grâce à cela, nous avons baissé de 20 % notre consommation d’énergie au cours des dix dernières années en ayant 60 % d’infrastructures en plus à gérer.
Le troisième défi est celui de l’innovation et l’adaptabilité. Notamment pour optimiser le délai entre le moment où l’avion atterrit, débarque ses passagers, les bagages, se fait nettoyer, refait le fiouling, récupère les nouveaux bagages et les passagers et repart. Les compagnies aériennes nous demandent aujourd’hui des traitements inférieurs à la demi-heure, quand ils étaient d’une heure à une heure et quart il y a une vingtaine d’années, ce qui nous oblige à une grande modularité. Cela passe par des astuces, par exemple pour faire varier les volumes des zones Schengen et non-Schengen en jouant sur des sas automatisés, des cloisons et des portes vitrées. C’est aussi un travail sur la souplesse de traitement des bagages, grâce à des automatismes redondants au niveau des tapis et des étiquettes intelligentes (codes-barres ou RFID), afin qu’une valise, une fois enregistrée et arrivée dans le tri bagages, puisse être dirigée vers la bonne sortie. Les innovations concernent, en outre, le traitement des passagers, afin qu’ils soient au contact des hautes technologies. Parmi les systèmes figurent des applications pour smartphone et des expérimentations concernant l’enregistrement automatique des bagages.

PERSPECTIVE

À quoi ressembleront les aérogares de demain ?

La tendance est d’aller vers des concepts d’aéroports plus raisonnables, loin des objets architecturaux qui se construisaient jusqu’ici, et d’intégrer le développement durable, ce qui conduit à des formes plus ramassées et optimisées, à l’utilisation de solutions constructives (isolation par l’extérieur), d’énergies renouvelables... Sur Nice, un nouveau terminal middle-cost est envisagé à l’horizon 2018. Son concept innovant tient compte du fait que les low-costs y sont présents depuis 1996, qu’ils représentent un volume important, avec près d’un tiers du trafic, et qu’ils sont venus d’eux-mêmes sans que l’on ait eu besoin de créer un équipement spécifique, à la différence de la plupart des aéroports. Le middle-cost répond à l’évolution du secteur aérien, où les compagnies classiques avec la crise mettent en place des systèmes un peu empruntés à des concepts low-cost pour réduire leurs coûts, tandis que certaines compagnies low-cost cherchent des ressources financières supplémentaires en montant d’un cran leurs prestations. Un équipement middle-cost représente un bon compromis entre un terminal sans chauffage, ni climatisation et un aéroport conçu comme une cathédrale. C’est un terminal simple, optimisé, avec des fonctionnalités qui répondent aux exigences de traitement des passagers avec des coûts inférieurs.

RÉGLEMENTATION

Quelles sont les principales contraintes de conception ?

Les grandes contraintes restent la sécurité et la sûreté. La sécurité, parce que les aérogares sont des lieux de très grand passage. Sur Nice, nous allons atteindre les 11 millions de passagers cette année, avec des pointes jusqu’à 50 000 passagers par jour... La sûreté est également une donnée importante. Il en va aussi de la séparation des flux entre les différents types de trafics et les différents modes : arrivées ou départs. La difficulté consiste à prendre en compte l’ensemble des contraintes, tout en donnant l’impression aux passagers d’une grande simplicité d’utilisation.

ACOUSTIQUE

Un sujet toujours délicat à résoudre ?

Un environnement censé ne pas être bruyant peut être repéré comme tel, parce que d’autres paramètres comme la vue interviennent dans la prise en compte du son. Ainsi, voir passer un avion apporte souvent une gêne. Pour nous, il est devenu important de travailler avec des psycho-acousticiens et de traiter l’acoustique le plus en amont possible de la conception, au même titre d’ailleurs que la thermique. Cela passe par la conception des volumes, la nature et la position des absorbeurs... et, dans les tris bagages, par la mise en place de systèmes avec capotage, de moteurs moins bruyants, par l’élimination des sources de frottement et de vibrations... À l’extérieur, la tendance est au remplacement des GPU (Ground Power Unit) alimentant les avions par des installations électriques moins bruyantes.

ÉNERGIE

Comment maîtriser durablement les coûts de fonctionnement ?

L’idéal est d’avoir « un Monsieur ou une Madame Énergie » qui suive les consommations jour par jour, qui les compare par rapport à l’année précédente et qui trouve les réglages à réaliser chaque jour. C’est la somme de tous ces petits ajustements qui permet, à terme, de réaliser des économies. Une bonne maîtrise des coûts passe aussi par une différenciation des systèmes techniques. Lorsqu’il y a 1 °C de trop ou de moins dans un terminal, un passager qui ne reste que quelques minutes sur les lieux ne va pas le ressentir de la même façon que le personnel au comptoir qui, lui, est sédentaire. Dans la pratique, il vaut mieux mettre une petite climatisation ou un petit chauffage au comptoir, que l’on augmente de 1 °C localement, et de diminuer d’autant la température dans le hall. Il faut voir que 1 °C c’est environ 7 % de consommation.

ÉCLAIRAGE

Les leds font-elles leur entrée dans les aérogares ?

Il convient encore d’être prudent, même si l’avenir est aux leds, car elles permettent de réduire les consommations en conservant un éclairement équivalent. En effet, nous manquons d’un retour d’expérience suffisant sur le sujet et il faut notamment savoir que les luminaires sont constitués d’organes électriques d’une durée de vie inférieure aux leds, et qu’un changement partiel peut s’avérer plus onéreux qu’un changement total.
En outre, il convient de prendre en compte le confort lumineux. Aussi, nous réalisons des tests par zone pour changer l’éclairage, afin de regarder comment se comportent les usagers.

EQUIPEMENTS TECHNIQUES

De nouveaux outils sont-ils appelés à se développer ?

La supervision occupe une place de plus en plus importante. Elle consiste à mettre en place des systèmes avec des points de contrôle pour permettre à un technicien de voir ce qui se passe n’importe où et de piloter à distance l’installation. À Nice, toute la technique est concentrée au niveau du poste de contrôle technique, ouvert 24 h/24 et où sont gérés de 40 à 60 000 points. Du point de vue de l’innovation, l’imagerie se développe énormément même si la fiabilité est à parfaire. Ce sont des caméras intelligentes capables de détecter des défauts de fonctionnement, exemple : une accumulation de bagages dans un virage du tri bagages. En outre, dans beaucoup d’installations, telles que le tri bagages ou les passerelles télescopiques, il existe des systèmes d’enregistrement de toutes les manipulations, afin d’offrir une meilleure traçabilité.

MAINTENANCE

Quel est le poste le plus gourmand ?

L’entretien d’un aéroport représente 10 à 30 % des investissements techniques. Selon ce calcul, un aéroport qui réalise 60 millions d’euros d’investissement a besoin de 6 à 20 millions d’euros pour entretenir ses installations... Un tel équipement est un concentré de techniques, dû aux systèmes de balisage, de tri bagages, de passerelles, d’automatismes... À cela s’ajoutent beaucoup d’informatique, et de mises à jour de logiciels. Des plans de maintien du potentiel permettent d’identifier et de planifier les travaux à réaliser périodiquement. Sur l’aéroport de Nice, ils couvrent des périodes de cinq ans.

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