Cinq techniques pour la récupération des eaux pluviales

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Cinq techniques pour la récupération des eaux pluviales

Christophe Thual est chef de projet à Egis Eau direction France Sud. Egis Eau, société du groupe Egis qui appartient à la Caisse des dépôts et consignations, est totalement indépendante de tout groupe financier et de toute entreprise industrielle ou de BTP. Ses 300 ingénieurs et techniciens, répartis dans sept centres techniqueset vingt agences ou directions régionales exercent leur expertise dans toutes les problématiques liées à l’eauet à sa gestion, en assurant tous les types de mission : études générales, assistance à maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et conduites d’opérations.

Dans nos sociétés urbanisées, les sols subissent une imperméabilisation croissante qui empêche l’infiltration normale des eaux de pluie et provoque des risques d’inondations par ruissellement. Ce processus, qui conduit peu à peu à de réels dérèglements des mécanismes hydrologiques, nécessite de développer de nouvelles stratégies en matière d’assainissement pluvial.

Que signifie exactement le terme d’« imperméabilisation » et quels problèmes génère ce phénomène ?

Ch. T. : On parle d’imperméabilisation, lorsque le sol est recouvert de matériaux pratiquement étanches, matériaux qui sont mis en œuvre pour la construction de bâtiments (tertiaires, résidentiels, commerciaux, logistiques ou industriels), routes et autoroutes, parkings et aéroports c’est-à-dire, toutes les infrastructures réalisées pour répondre à l’urbanisation croissante des villes et aux besoins sociaux-économiques qui en découlent.

L’imperméabilisation constitue la modification la plus radicale de la couverture du sol due à l’intervention de l’homme dans le paysage. Elle fait perdre au sol la majeure partie de sa fonction écologique naturelle, telle que la production de biomasse. Mais aussi, en empêchant l’eau de s’infiltrer, elle provoque l’appauvrissement des nappes phréatiques et l’assèchement des sous-sols, situation qui, à son tour, peut générer des désordres graves au niveau des bâtiments. Les épisodes de canicule ont, par ailleurs, mis en évidence des phénomènes d’échauffement thermique à l’échelle de l’îlot urbain. Phénomènes accentués par la présence des sols minéraux.

Mais une des conséquences les plus visibles se situe au niveau de l’accroissement du volume des eaux de ruissellement, les situations de fortes précipitations devenant une contrainte de plus en plus difficile à gérer pour les agglomérations. Le phénomène de ruissellement provoque, par ailleurs, un lessivage des sols et des risques de pollution, en concentrant les polluants en bas des bassins versants. Le problème est d’autant plus important que les zones artificialisées gagnent du terrain. Selon le service de l’Observatoire des statistiques du Commissariat général du développement durable, elles représentaient 9,4 % du territoire en 2008, soit 5,1 millions d’hectares : 16 % de ces surfaces correspondant à des sols bâtis (maisons, immeubles), 44 % à des sols revêtus ou stabilisés (routes, parkings) et 40 % à d’autres espaces artificialisés (chantiers). Leur accroissement serait de 60 000 hectares par an depuis 1993, celui-ci se faisant bien entendu au détriment des terres agricoleset des milieux semi-naturels.

Quelles sont les solutions pour réduireles effets de cette urbanisation et de l’accroissement des débits des eaux de ruissellement qui en résulte ?

Ch. T. : Les eaux pluviales sont le plus souvent évacuées dans les canalisations du système d’assainissement. Système pouvant être de type unitaire, elles sont alors mélangées aux eaux usées, ou séparatif, ce qui est assez rare, du moins dans les grandes villes où les réseaux ont été reconstruits après la seconde guerre mondiale.

La solution consiste alors à créer des bassins tampons qui permettent de stocker l’eau provisoirement, puis de la restituer progressivement dans le réseau, une fois l’épisode pluvieux terminé. Cette technique nécessite la construction d’ouvrages de rétention qui s’apparentent souvent à de véritables cathédrales souterraines, les bassins pouvant atteindre des dizaines de mètres de profondeur et de diamètre. Cette solution, qui implique des travaux de génie civil complexes, ainsi que des investissements lourds, nécessite la réalisation de systèmes de chasse d’eau, afin d’éviter les problèmes de sédimentation et de traitement de l’air, qui génèrent eux-mêmes des contraintes de maintenance. Il est bien entendu possible de diminuer la taille des bassins en augmentant leur nombre, mais le foncier n’est pas toujours disponible et cette option multiplie d’autant les points de gestion. Le choix résulte donc souvent d’un compromis à la fois technique, foncier et financier.

Dans le cadre d’un projet d’aménagement neuf, la ou les unités de stockage intermédiaires peuvent être réalisées le long du réseau unitaire créé (conception qui multiplie d’autant les points de gestion), ou directement au niveau de la centrale d’épuration. Cette dernière solution implique alors de « surdimensionner » les canalisations et les capacités de la station, celle-ci devant être apte à traiter les débits de pointe. Or, chaque technique de traitement est performante dans une latitude de débits donnés. Une installation surdimensionnée pouvant donc s’avérer moins efficace dans un mode de fonctionnement « normal ». D’où l’intérêt de faire appel aux techniques dites « alternatives » qui se développent depuis plusieurs années. L’idée étant de réaliser des zones de collecte type chaussée réservoir, espaces verts aménagés, noues paysagères, toits de stockage, au plus près des points de chute d’eau, afin d’écrêter les débits.

Une autre solution, qui peut être menée dans le cadre d’opérations de restructuration des réseaux et/ou d’aménagement urbain de type tramway, consiste à poser un réseau séparatif. Cette option est néanmoins difficilement envisageable dans les environnements urbains denses. Pour traiter le problème en amont, certaines villes, comme Bordeaux ou Rennes, ont d’ailleurs réglementé en imposant désormais un zonage pluvial, tout nouvel aménagement ne devant rejeter que le débit correspondant à un certain pourcentage de la zone imperméabilisée. D’où l’obligation de créer des bassins de rétention à la parcelle, en utilisant les techniques alternatives évoquées précédemment.

Quelles sont les obligations de traite­ment des eaux de ruissellement ?

Ch. T. : En milieu urbain, cette problématique est intégrée dans le cadre de la Loi sur l’eau, certaines mesures plus ou moins restrictives pouvant être imposées par la Dreal (Drire) en fonction de la sensibilité du milieu naturel. Un parking de grande surface peut très bien, par exemple, se voir soumis à certaines autorisations pour effectuer des rejets. La plupart du temps, la mise en place d’un simple débourbeur et/ou d’un ouvrage de décantation s’avère suffisante, car les matières en suspension sont la principale source de pollution des eaux de ruissellement. Ces systèmes servent surtout pour s’affranchir des pollutions accidentelles, car en fonctionnement « normal », les concentrations sont tellement faibles que l’ouvrage ne retient pas grand-chose, sauf à proximité des stations-service.

Pour un système de type séparatif, l’administration demande le plus souvent l’installation d’un système de décantation, simple ou lamellaire. Mais il peut également y avoir des exigences qualitatives plus poussées, des moyens de suivi en continu pouvant être demandés au niveau des points de « surverse » des réseaux, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ces exigences, qui impliquent l’installation de systèmes débit métrique avec éventuellement prise de prélèvement et mesures en parallèle, réclament des investissements lourds pour les communes et des moyens de suivi importants pour l’entretien.

Les eaux réinfiltrées dans le sous-sol doivent-elles être dépolluées ?

Ch. T. : Les volumes d’eau stockée peuvent effectivement être éventuellement « réinfiltrés » dans le terrain, sous réserve que les paramètres géologiques soient compatibles avec cette option. En cas de « réinfiltration » des eaux collectées, il n’existe pas réellement d’obligation de retraitement, hormis là encore une simple décantation. Mais il est très vraisemblable que l’on se dirige vers un durcissement des exigences réglementaires, d’autant plus que l’option tout tuyau va probablement être délaissée au profit de toutes les solutions permettant un traitement en amont, type toiture végétalisée.

Dans le cadre de cette évolution réglementaire, une taxe pour la gestion des eaux pluviales est d’ailleurs à l’étude. Elle devrait permettre la création, l’entretien, l’exploitation, le renouvellement et l’extension des installations de gestion des eaux pluviales, ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement de ces eaux dans les ouvrages publics.

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