chauffage Récupérer la chaleur des eaux grises et usées

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La réduction de l’impact du poste eau chaude sanitaire sur la facture énergétique des bâtiments constitue l’un des enjeux majeurs de la récupération de chaleur sur les eaux grises. (doc. Frédéric Albert/Biofluides Environnement.)

La valorisation de la chaleur des eaux grises des bâtiments ou des eaux usées des égouts suscite un intérêt grandissant en France, où des systèmes innovants avec ou sans stockage affichent des rendements très intéressants.

Evacuées à l’égout après tirage, les eaux grises, provenant des douches, bains, lave-linge ou cuisines, représentent un gisement d’énergie encore peu exploité. Ces eaux faiblement polluées présentent pourtant une température de 15 à 35 °C, qui est supérieure à cellede l’eau froide pénétrant entre 5 et 15 °Cdans les bâtiments.

Élaborée dans des pays comme l’Allemagne, l’Autriche, le Canada, la Suisse et plus récemment la France, l’idée de leur valorisation s’inspire du concept de la ventilation double flux, qui revient à récupérer la chaleur de l’air vicié pour réchauffer l’air neuf. Elle consiste, en effet, à mettre en place des échangeurs thermiques, afin de transférer les calories des eaux grises vers l’eau froide.

Les premiers projets de récupération de chaleur sur les eaux grises ont vu le jour en France il y a environ un an. Leur lancement n’est pas sans rapport avec l’évolution du cadre réglementaire et de l’entrée en vigueur de la RT 2012.

Pour répondre aux exigences des bâtiments BBC et anticiper celles des bâtiments à énergie positive, il devient aujourd’hui nécessaire de réduire de façon drastique les consommations d’énergie liées à l’Eau chaude sanitaire (ECS). Dans des bâtiments neufs, mieux isolés et étanches à l’air, la part du poste ECS devient, en effet, prépondérante dans le calcul des dépenses énergétiques globales. Comme le souligne Bernard Sesolis, directeur du BET Tribu Énergie, « d’importants efforts ont déjà été réalisés depuis vingt ans par l’ensemble des filières, pour réduire les consommations d’énergie liées au chauffage de l’eau sanitaire : augmentation du rendement des appareils de production, banalisation des capteurs solaires, utilisation de solutions plus pertinentes comme les chauffe-eau thermo-dynamiques, distribution et puisage plus performants... Pour autant, cela ne suffit plus et il va falloir travailler sur l’eau chaude de façon plus complète : ne plus concevoir en boucle ouverte et essayer de récupérer de la chaleur et de l’eau ».

Simplicité des procédés instantanés

Bien que la technologie de la récupération soit en phase de développement, plusieurs industriels proposent d’ors et déjà des kits complets, dédiés à l’habitat individuel, collectif, au tertiaire et à l’industrie, utilisables dans le neuf et l’existant. On distingue deux grandes familles de récupérateur : les systèmes instantanés et les systèmes avec stockage.

Dans les premiers, l’échange thermique est réalisé de façon instantanée par la mise en contact des eaux grises évacuées vers le réseau d’assainissement et l’eau froide qui alimente le ballon d’ECS et/ou le mitigeur de la douche. La simultanéité de l’évacuation des eaux grises et du tirage d’eau froide est indispensable pour que le transfert de chaleur ait lieu. C’est la raison pour laquelle, ces systèmes sont principalement destinés aux douches, dans le domaine individuel ou collectif, mais ne conviennent pas pour les bains, puisque le remplissage de la baignoire et sa vidange se font en deux temps distincts. Les principaux produits permettent d’atteindre des économies de plus de 50 % sur l’ensemble des consommations d’ECS.

Le Power-Pipe est un système canadien distribué en France par Solénove Énergie, qui fait l’objet d’un Pass’Innovation et bénéficie du Titre V, système lui permettant, selon l’arrêté du 14 octobre 2010, de valoriser les économies d’énergie réalisées dans les calculs de la réglementation thermique (1). Il consiste à remplacer une portion du tuyau d’évacuation en PVC par un tube en cuivre de diamètre équivalent, d’une hauteur comprise entre 0,6 et 3 m, autour duquel viennent s’enrouler des serpentins en cuivre dans lesquels circule l’eau froide à préchauffer. Des raccords en néoprène, cerclés d’acier inoxydable, assurent la continuité de l’évacuation. Lorsque l’eau s’évacue, elle glisse sur la paroi interne du tuyau d’évacuation selon le principe de la tension superficielle, en formant un mince film qui favorise l’échange de chaleur. Le flux d’eau froide est, quant à lui, divisé dans plusieurs serpentins qui s’enroulent autour du tuyau d’évacuation, de manière à améliorer l’échange de chaleur. L’eau froide peut ainsi être préchauffée de 10 à 25 °C. « Plus la surface d’échange de chaleur est importante, plus le système est performant. Mais le gain dépend aussi du type de raccordement, l’idéal étant de préchauffer l’eau froide qui va au ballon et celle qui va au mitigeur », remarque Jean-Pierre Finet, cogérant de Solénove.

En maison individuelle, l’installation doit obligatoirement être à la verticale, afin de tirer profit de la tension superficielle. Dans le collectif, les eaux grises provenant des étages sont recueillies dans un local technique situé au RDC, à proximité du ballon d’ECS, puis distribuées dans une batterie de Power-Pipe. Lorsque la production d’ECS est individuelle, l’installation des échangeurs peut être décentralisée dans les gaines palières des logements.

Entretien minimum des systèmes instantanés

De conception française, le boîtier écoRC 36 de la société EHTech (31) est un autre système de récupération de chaleur dédié aux installations individuelles équipées d’un ballon d’ECS.

Commercialisé depuis un peu plus de six mois et faisant l’objet d’un Pass’Innovation, il comporte un filtre et un échangeur formé de deux plaques en inox superposées, dans lesquelles circulent sans se mélanger les réseaux d’eau froide et d’eau usée. Dans chacune des plaques, l’eau se disperse dans des canaux dont les motifs et le tracé ont été optimisés pour créer des turbulences et favoriser, ainsi, l’homogénéisation des températures sur toute la surface du boîtier. D’une capacité de 17 litres, le boîtier de dimensions 32 x 37 cm sur 14,5 cm d’épaisseur se place sous le niveau de la bonde de douche, mais peut être déporté dans un vide sanitaire ou un faux plafond. Le système est adapté à des débits de douches, variant de 6 à 18 l/min. « Le dispositif écoRC 36 permet de réaliser 60 % d’économies sur le chauffage de l’eau des douches, ce qui représente une économie de 100 à 200 3/ mois selon le combustible pour un foyer de 4 personnes. En bref, il a la même efficacité énergétique qu’un chauffe-eau solaire pour un coût trois à quatre fois moindre », remarque Hugo Durou.

En l’absence de toute cuve de stockage, l’entretien des systèmes instantanés est réduit. Le Power-Pipe qui ne comporte pas de filtre ne réclame aucun nettoyage. Dans le boîtier écoRC 36, une vanne permet de nettoyer la filtration et l’échangeur avec de l’eau froide sous pression, sans recourir à des produits chimiques. La vanne peut être branchée sur une électrovanne de manière à automatiser l’entretien. En logement individuel, il faut compter 700 à 800 3, pour la fourniture d’un système Power-Pipe de 1,50 m de hauteur et 1 100 à 1 200 3, pour une installation collective de 4 à 10 logements, le nombre de branchement étant fonction du débit des douches. Le boîtier écoRC 36 seul coûte quant à lui 998 3 TTC, auquel il convient d’ajouter le coût de la pose.

À la différence des précédents, les systèmes avec stockage recueillent les eaux grises en grande quantité, en provenance non seulement des douches, mais également des bains et lave-linge. Après filtration ou passage dans un décanteur, ces eaux non-potables, mais claires, sont stockées dans une cuve placée au point le plus bas du bâtiment, de préférence au sous-sol voire au RDC. La valorisation de la chaleur s’effectue ensuite selon des technologies plus ou moins complexes.

Dans le ThermoCycle de la société allemande Forstner ou encore le CalH2O de la société Domelys Technologies, rebaptisé « Degrés Bleus eau chaude (DBEC) » par La Lyonnaise des eaux qui le distribue depuis mi-2010, la cuve de stockage est ainsi reliée au ballon d’ECS auquel elle fournit une eau préchauffée. Le dispositif ThermoCycle, qui est décliné dans trois versions de cuve selon le nombre de douches raccordées (3, 8 ou 20), permet de répondre à des projets de taille variable. Il est équipé d’un filtre dont le nettoyage est entièrement automatisé. Pouvant récupérer 15 kW/h sur 1 000 litres d’eaux grises, son coût varie de 3 500 à 15 000 3 suivant la capacité de la cuve.

50 à 100 % d’économie d’énergie sur la production d’ECS

Breveté depuis 2008, le DBEC est, quant à lui, adapté et dimensionné en fonction du type d’application. Il rassemble un échangeur nid-d’abeilles, un prétraitement des eaux récupérées pour empêcher l’encrassement, un traitement anticalcaire de l’eau froide, ainsi qu’un compteur d’énergie indiquant la puissance utile récupérée par la machine. Il inclut également un tampon thermique dans le cas d’une utilisation déphasée de l’ECS par rapport aux rejets. Dans le cas de douches collectives,le système a une capacité de récupération de 14 kWh utiles/m3 d’eau usée à 28 °C. Cette capacité dépassant 20 kWh utiles/m3 d’eau usée à 36 °C. Déjà mis en service dans des piscines, où la récupération est réalisée à la fois sur les rejets des douches et les rejets des bassins, il a généré une économie de plus de 100 MWh pour des établissements recevant 100 000 personnes/an.

D’autres solutions innovantes couplées à une pompe à chaleur eau/eau affichent des niveaux de performance encore plus élevés. C’est le cas de l’Energy Recycling System (ERS), breveté en 2009 par la société française Biofluides Environnement. Premier système permettant de récupérer aussi bien les eaux des salles de bains que des cuisines (éviers, laves-vaisselle), il est destiné au résidentiel collectif, au tertiaire (piscines, hôpitaux, restaurants d’entreprise...) et à l’industrie. La technologie repose sur une cuve autonettoyante, équipée d’une filtration et d’échangeurs qui prélèvent les calories des eaux grises pour les transmettre au circuit évaporateur d’une Pac spécifique. La pompe à chaleur peut servir à produire 100 % de l’eau chaude sanitaire à 55 °C, sans chaudière complémentaire, son Cop ayant dans ce cas une valeur de 3,6. Elle peut également être utilisée pour faire du préchauffage, en amenant l’eau froide à une température comprise entre 40 et 45 °C, avec un Cop encore plus élevé, puisque de 5,8. À noter que ce type d’installation est particulièrement intéressant dans des logements neufs, visant le label BBC, sachant que la Pac permet d’y couvrir l’intégralité des besoins en ECS et en chauffage. Le procédé ERS fait l’objet d’une demande de Titre V Système, auprès de l’Ademe et du Cstb.

À Lyon, c’est un prototype réalisé par l’École des mines de Paris avec le concours du BET Enertech qui devrait prochainement équiper l’Hôtel du lac, un équipement 3 étoiles comptant 133 chambres, un bar-restaurant et quatre salles de réunion. Toutes les eaux grises seront regroupées dans un réservoir de 16 m3, à partir duquel sera produite de l’eau chaude sanitaire à 50 °C au moyen d’une Pac. Il est annoncé un coefficient de performance de 6,5... Ce bâtiment démonstrateur, qui sera suivi par l’Ademe, devrait permettre d’illustrer les économies d’énergie réalisées dans le cadre d’un équipement gros consommateur en ECS, doté par ailleurs de dispositifs économes en eau au niveau des chasses d’eau, douches et robinets.

Visant des installations de grandes tailles, les procédés avec Pac ont un coût relativement élevé. Dans le cas du procédé ERS, il faut prévoir un investissement de 100 000 3 pour 30 logements, avec un temps de retour de vingt ans sans subvention (soit environ dix ans en intégrant les nombreuses aides, crédits et certificats d’économie d’énergie). L’amortissement est de l’ordre de trente ans pour 15 logements et de moinsde douze ans pour 200 logements,sans subventions.

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