Concevoir un immeuble de bureaux avec des équipements techniques minimalistes est le pari faitet tenu il y a dix ans aux Pays-Bas, grâce à l’emploi de planchers plénums associés à une ventilation double flux et à la prise en compte des apports thermiques.
1 PROGRAMME Structure acier libérant de grands plateaux
À Delft (Pays-Bas), se trouve un petit immeuble de bureaux de cinq étages plutôt atypique. Conçu par deux architectes associés, Michel Cohen et Jan Pesman qui en ont fait leur agence d’architecture, Cepezed est un bâtiment qui exprime concrètement leur philosophie : « Plus les bâtiments sont légers, plus ils sont intelligents ».
Totalement vitré sur rue et cour, l’immeuble est conçu avec un système de chauffage et des équipements techniques minimalistes et oppose dans son principe constructif et dans son concept, la traditionnelle loi thermique de la masse et de l’inertie à la légèreté et la réactivité. Il a été construit en six mois en 1999, avec un budget de 640 3 HT/m2, fondations comprises.
Le bâtiment est soutenu par 12 piliers en acier remplis de béton, fondés à 30 m de profondeur, (comme la plupart des constructions dans l’Ouest des Pays-Bas). Les poteaux supportent des poutres dites « ASB », dont la semelle inférieure, plus large que la semelle supérieure, reçoit les éléments de plancher. L’ossature métallique libère des plateaux de 275 m2 chacun (trame de 4,5 x 10 m). Au-dessus des mitoyens, les façades sont closes par des panneaux-sandwich isolés laine de roche revêtus d’acier prélaqué sur leurs deux faces. Sur rue et sur cour, un mur-rideau double vitrage à ossature aluminium fait entrer la lumière.
Un paravent de verre trempé le double en avancée pour protéger les bureaux du bruit de la rue et évite les éventuels courants d’air. Sur l’avant, un ascenseur vitré est adossé à un des murs mitoyens. Sa machinerie se situe au rez-de-chaussée dans un des placards techniques. Ceux-ci couvrent le mur mitoyen sur toute la hauteur et la profondeur du bâtiment avec des trémies à chaque étage.
Le caractère innovant du bâtiment tient à ses planchers minces, qui ont permis de concevoir un immeuble doté d’un système de chauffage minimaliste (22,5 W/m2) sur les 3 100 m2 construits.
2 ÉTAT DES LIEUX VMC double flux, planchers spécifiques et apports internes
Le principe de ces planchers ultraminces et multifonction mis au point et brevetés par les deux architectes, en coopération avec l’entreprise de métallerie néerlandaise Van Dam, a permis de construire, dans la limite de la hauteur constructible, cinq étages au lieu de quatre.
Des augets en tôles d’acier pliées de 200 mm d’épaisseur reçoivent des bandes de caoutchouc (pneus recyclés), sur lesquelles repose un bac d’acier nervuré, support d’une dalle collaborante et d’une chape en béton anhydrite en surface. Les gaines de ventilation et les réseaux circulent entre les augets, dont les vides sont remplis de lés de laine de roche enrobés de plastique.
L’épaisseur totale de ce plancher-plénum est de 30 cm pour 4,5 m de portée (le même procédé permet de porter sur 7,5 m avec 40 cm). Le plancher ne pèse que 110 kg/m2 (surcharge admissible de 250 kg/m2). Côté acoustique : 55 dB d’isolation phonique, 64 dB pour les bruits de contact, soit nettement mieux qu’un plancher béton de même épaisseur. Résistance au feu ½ h. La sous-face en bacs acier galvanisés reste apparente, ce qui permet de faire l’économie d’un faux plafond.
L’air des zones techniques et sanitaires de chaque étage est extrait par un réseau principal relié à un caisson de VMC double flux.
Parallèlement, l’air neuf introduit dans le bâtiment est réchauffé par l’air extrait et est insufflé par un réseau de gaines verticales dans les canaux horizontaux faisant partie intégrante des planchers.
Ceux-ci sont donc amenés à rayonner côté plancher (au dessus) et de présenter une surface à température et rayonnement neutre côté plafond, du fait de l’isolation de la sous-face métallique. Cet air correspondant au débit de renouvellement est soufflé en partie supérieure du plancher par des bouches.
Une résistance électrique de 20 kW est prévue dans le caisson dès que la température de l’air neuf diminue. Les pignons mitoyens limitent les déperditions. Dans la journée, la présence des 50 personnes qui travaillent dans les bureaux open space, ajoutée à la chaleur dissipée par l’éclairage et les ordinateurs, apportent une quantité d’énergie suffisante pour chauffer les locaux à environ 20 °C. Lorsque la température extérieure descend à - 5 °C, une résistance électrique de 10 kW seulement fournit l’appoint nécessaire. Noyée en cordon dans la chape anhydrite, elle est commandée à chaque étage par un thermostat avec sonde d’ambiance. Elle permet également de préchauffer le bâtiment le matin avant l’ouverture et « d’amorcer » le principe de fonctionnement.
Ce système de chauffage (resté unique), parfait exemple d’équilibre thermique associe donc l’ossature même du bâtiment par le biais de ses planchers légers avec une VMC double flux, avec l’effet de « température résultante sèche » (1), (qui fait que la température ressentie dépend pour moitié de la température de l’air et pour moitié du rayonnement des parois) et avec les apports internes.
3 BILAN Un bilan énergétique positif
À la suite de ce chantier, les architectes ont mis en œuvre avec succès le même type de plancher collaborant dans plusieurs programmes de constructions publiques. Des versions successives ont été ensuite développées telles que, par exemple, l’intégration des sprinklers ou encore la création de chemins-trappes de visite des réseaux en surface supérieure, et ce, toujours avec un principe de plancher ultramince qui permet économie et légèreté, ainsi qu’une mise en œuvre facilitée.
Le premier bilan énergétique réalisé après un an et demi d’occupation, a démontré que l’économie atteignait 50 % dans l’agence d’architecture, par rapport à la norme Novem (Netherlands Organization for Energy and the Environment - ministère de l’Économie). Et ce, avec deux façades complètement vitrées ! Dans les deux niveaux que les architectes louent à une agence de publicité, l’économie a été ramenée à 35 %. Raison invoquée : moins d’ordinateurs, un plancher en bois, moins émissif et davantage de cloisons. Les résistances électriques ont donc été davantage sollicitées.
Un deuxième bilan effectué sur cinq années, de 2004 à 2008, a mis en évidence une consommation de 130 kW/m²/an (contre une moyenne hollandaise de 275 à 292 kW/h/m²/an pour les immeubles de bureaux aux Pays-Bas, source officielle Agentshap NL, Agence pour l’énergie des Pays-Bas).
Au-delà de ces performances, qui pour un bâtiment largement vitré et un système de chauffage radicalement minimaliste, étaient spectaculaires à l’époque, il faut considérer la qualité de vie née de la remise en cause de « l’effet de masse » dans ce bâtiment : un air plus frais et plus léger, grâce aux fenêtres ouvertes et l’apport de la lumière naturelle présente partout à l’intérieur du bâtiment, grâce aux façades et aux cloisons vitrées intérieures.