Les appuis en surplomb des voies sont composés de treize poteaux en V inversés en plancher bas du rez-de-chaussée, nommés éperons, et sur lesquels repose une partie de la tour B1 et du bâtiment B2. (©Renaud Araud)
Intégrant dans sa structure même une gare RER de la ligne E, le futur siège social de Vinci à Nanterre (92) doit être protégé des nuisances engendrées par le trafic ferroviaire. Il est donc en partie monté sur ressorts.
Actuellement en construction à Nanterre (92) dans le quartier en plein développement de la ZAC des Groues, le complexe qui accueillera dans quelques années le siège social de Vinci est un projet architectural hybride. En effet, il s’imbriquera de manière très étroite avec la troisième nouvelle gare de la ligne E du RER, qui devrait ouvrir au public fin 2022. Conçu par les architectes Jean-Paul Viguier (mandataire) et Marc Mimram, il se veut également une vitrine des savoir-faire du groupe de construction en matière de béton ultra bas carbone, de chauffage par dalle active ou encore de façade électrochrome (qui s’opacifie automatiquement en fonction de l’ensoleillement).
La future gare du RER E sera fortement imbriquée avec le futur siège social de Vinci, pour devenir un véritable hub à l’ouest de Paris.
L’ensemble immobilier se déploie sous forme d’ilôts alignés sur 300 m le long du boulevard de la Défense. ©Renaud Araud
Mixité programmatique et technique
Le projet consiste à répartir sur cinq bâtiments de hauteurs variables – dont un IGH d’une centaine de mètres en R+24 – quelque 75 000 m² de bureaux ainsi que 1 500 m2 de commerces et d’espaces de restauration semi-publics. La tour à elle seule concentre 30 000 m² d’espaces tertiaires. Une série de passerelles ainsi qu’une rue intérieure aérienne permettront de relier ces îlots interconnectés.
L’imbrication programmatique avec l’infrastructure ferroviaire est l’un des défis techniques majeurs auquel est confronté cet ensemble immobilier. Une synergie telle qu’un permis de construire commun a été déposé en mars 2017 par SNCF Réseau et Vinci. Alignée au sud sur une large bande de 300 m le long du boulevard de la Défense, la série de bâtiments est, au nord, placée en surplomb des voies ferrées et des quais de la future gare du RER E. La pénétration des structures des bâtiments dans l’espace ferroviaire organise le fonctionnement de la gare et des flux de voyageurs, la transmission des forces et, plus généralement, la compatibilité avec la présence d’un immeuble de bureaux. Au niveau du bâtiment A, le rez-de-chaussée et le premier étage forment un socle qui abrite les commerces, mais aussi l’accès à la gare par un large porche haut de 8 mètres qui permet d’accéder à la passerelle desservant les quatre quais. L’Archipel s’avance ainsi au-dessus des voies sur 160 mètres de long et 18,5 mètres de large, offrant une couverture aux quais.
Aux éperons situés sur les quais du futur RER viennent répondre en partie RDC une série de poteaux métalliques en forme de V remplis de béton. ©Renaud Araud
Poteaux structurels en forme de V inversé
Treize éperons ou poteaux en V inversés reprennent les charges d’une partie de la tour, tout en assurant la circulation des voyageurs. ©Renaud Araud
« Nous avons assuré un double pontage de la gare, précise Olivier Schwerer, directeur de projet Vinci Construction France. Le premier permet d’assurer le rez-de-chaussée avec des zones largement dégagées pour venir y loger les espaces communs comme les restaurants. Le second pontage s’effectue sous le niveau des bureaux via une structure métallique et les poteaux en V. La solution de poteau mixte béton armé/coquille métallique permet in fine de raccrocher cette structure. » Les appuis en surplomb des voies sont ainsi formés de treize poteaux en V inversés en plancher bas du rez-de-chaussée, nommés éperons, et sur lesquels repose une partie de la tour B1 et du bâtiment B2. Les cinq premiers éperons reprennent la demi-tour en termes de portée, avec des charges importantes de l’ordre de 4 000 tonnes par poteau, six autres retiennent le bâtiment B2 dans le prolongement, et deux poteaux intermédiaires assurent la continuité entre les deux bâtiments pour venir reprendre uniquement une future terrasse végétalisée. Ces treize poteaux structurels permettent de concentrer les descentes de charge grâce à un béton C80 qui présente des performances à la compression très élevées. Dans le même temps, de par leur tracé même, les éperons permettent de limiter les points d’appui pour libérer au maximum la circulation des voyageurs sur les quais. D’où cet effet de jambage et ce passage libre qui assurera également l’accès au tunnel piétons reliant la gare RER à celle de la future ligne 15 du métro. La forme surprenante de ces poteaux inversés est un geste architectural, mais qui répond toutefois à la nécessité de fluidité du trafic voyageurs.
Aux éperons viennent par ailleurs répondre en rez-de-chaussée des poteaux métalliques en forme de V remplis de béton. Ils prennent appui sur une mégastructure constituée de poutres métalliques de 50 tonnes. Ces poteaux sont séparés des éperons par une dalle de couverture non structurelle, assurée par des voûtains en béton d’une vingtaine de mètres.
Systèmes de boîtes
900 boîtes à ressorts sont mises en œuvre pour préserver l’ensemble des vibrations dues au trafic ferroviaire. ©Renaud Araud
Un second système a été mis en place sur un auditorium de 300 places situé en rez-de-chaussée de l’IGH (B1), avec un principe de « boîte dans la boîte ». L’enveloppe est totalement désolidarisée, mais, en sus, elle repose sur des ressorts qui viennent absorber le peu de vibrations qui demeurent au bord de l’auditorium. Les boîtes reprennent ici les charges du poids de l’auditorium – et non du bâtiment situé en surplomb de la gare, qui ne bénéficie pas de dispositif antivibratile. En effet, un tapis en néoprène placé sous le ballast assure cette fonction d’absorption des vibrations. Une option suffisante, d’autant qu’en gare, les trains se déplacent à allure ralentie, limitant de fait l’impact sur le bâti. La suppression de toute jonction de rail au droit du surplomb, ainsi que des aiguillages a permis de plus de limiter au maximum les nuisances sonores. La tour elle-même repose sur ses propres structures et n’est pas montée sur ressorts. « Il aurait fallu mettre en œuvre un nombre considérable de boîtes pour traiter l’IGH, poursuit Olivier Schwerer. À cela s’ajoute le problème du contreventement, dans la mesure où les boîtes à ressorts ne reprennent pas les charges horizontales. Lorsque le vent souffle, le ressort ne vient donc pas “accrocher” la tour au sol. C’est là la limite du système. » Lors de sa livraison prévue en juin 2021, l’Archipel, mi-gare, mi-bâtiment, accueillera 4 000 collaborateurs du groupe de construction.
Coupe du bâtiment B2 acceuillant l'auditorium
L’auditorium de 300 places est une «boîte dans la boîte» isolée du reste du bâtiment. Elle est montée sur ressorts pour garantir une double isolation vibratile et phonique.
Steve Carpentier