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Président de l’association Equilibre des Energies, l'ancien ministre de l'Environnement Brice Lalonde dénonce le fait que les lois et réglementations actuelles incitent les Français à utiliser les énergies fossiles dans le bâtiment, situation que les promoteurs du gaz essayent de faire perdurer à travers des interventions dans la loi énergie-climat, la future réglementation environnementale des bâtiments (RE 2020) ou encore la refonte du Diagnostic de performance énergétique (DPE).
« La loi de Madame Royal votée en 2015 fixait un bouquet d’objectifs dont j’extrais la réduction de la consommation d’énergie, dont celle des énergies fossiles, et celle des émissions de gaz à effet de serre. Regardons-y de plus près. On ne peut qu’applaudir aux efforts de sobriété et d’efficience énergétique que l’on souhaite voir déployer par M. Dupont et ses concitoyens. Il s’agit pour eux d’économiser l’énergie qu’ils utilisent et doivent payer. C’est l’énergie finale. C’est le choix retenu dans la loi qui a fixé un objectif de réduction de 20 % en 2030 et 50 % en 2050 par rapport à 2012.
Mais, à écouter le gaz, il faut compter le coût en énergie des opérations préalables à la livraison d’énergie chez M. Dupont, qu’on appelle l’énergie primaire. Curieusement le gaz s’exonère de toute dépense en énergie pour délivrer son gaz, mais il a beau jeu de vilipender l’électricité car le rendement des centrales nucléaires est médiocre. L’électricité est donc affectée d’un handicap. C’est le parti retenu par la réglementation des bâtiments de 2012, la fameuse RT 2012.
Pourtant l’industrie nucléaire, émettant très peu de CO2, est une alliée du climat, elle est nationale, et il n’y a pas d’autre moyen de valoriser l’uranium. Pourtant l’électricité est reconnue comme le vecteur de la double transition énergétique et numérique, permettant d’associer véhicules, logements et réseaux. Tant pis on passe au gaz, qui est importé et qui émet du CO2. Bien joué le gaz ! Conclusion : compter en énergie primaire, c’est augmenter les émissions de gaz à effet de serre.
Il se trouve que le gouvernement propose de revoir le handicap à la baisse et d’édicter une nouvelle réglementation des bâtiments qui tienne compte des émissions de CO2. Quoi !? On ne tenait pas compte du CO2 dans la réglementation des bâtiments ? Je croyais qu’on luttait contre le dérèglement climatique. Greta au secours !
Le lobby du gaz se déchaîne donc. Pas un jour sans la dénonciation de l’électricité et la demande d’un sursis. Alors on va peut-être surseoir. Bien joué le gaz !
La loi prévoit de baisser de 30% la part du fossile en 2030, et de 75% les émissions de gaz à effet de serre en 2050. Pour l’heure les énergies fossiles représentent encore plus de 60% de la consommation d’énergie finale en France. Le pétrole se tasse légèrement. Le gaz augmente. Quant aux émissions de gaz à effet de serre, la France a réduit les siennes de 17% environ par rapport à 1992. Pourtant, à continuer sur cette trajectoire, elle n’aura atteint que la moitié de son objectif en 2050.
Nous sommes donc loin du compte.
Il est temps de prendre des décisions. Le Royaume Uni et les Pays-Bas prévoient d’interdire le gaz pour le chauffage des bâtiments neufs à partir de 2025. Est-ce que la priorité en France est de lutter contre le dérèglement climatique, oui ou non ?
Le gaz a sa place en France, mais il doit accepter de la garder réduite. Et le lobby du gaz a devant lui une tâche immense : contribuer au remplacement des centrales à charbon dans le monde. C’est quand même plus noble que les embrouilles hexagonales.»