BFUP : La guerre des bétons ?

Philippe Donnaes

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RÉGLEMENTATION

Les BFUP se « normalisent »
La nouvelle norme NFP 18-470, parue en juillet 2016, couvre la gamme des 130 MPa (limite basse correspondant à un BFUP) à 250 MPa en résistance à la compression. Elle définit les caractéristiques et les performances à atteindre, ainsi que les exigences associées à la production et au contrôle. La norme intègre également les niveaux particulièrement élevés à respecter en matière de durabilité, en précisant les seuils à atteindre pour les propriétés de transfert (perméabilité au gaz, coefficient de diffusion des chlorures) et la porosité des matériaux. Les BFUP pouvant faire l'objet de traitements thermiques, elle recense, par ailleurs, les différents cas de figure en les encadrant tout en décrivant les étapes et les responsabilités pour l'évaluation de la conformité. La norme de conception NF P 18-710 d'avril 2016, issue d'un retour d'expérience de plus de 15 ans, se positionne, quant à elle, comme un complément national à l'Eu-rocode 2 pour le dimensionnement des structures en BFUP. Elle intègre le calcul du comportement au feu, une adaptation de la procédure d'agrément technique européen aux ancrages précontraints, ainsi que la résistance aux séismes. La troisième norme, qui traite de la mise en œuvre du matériau, devrait voir le jour dans les prochains mois.

BFUP : La guerre des bétons ?

Le MuCEM, de l'architecte Rudy Ricciotti, est habillé d'une résille en BFUP portée par des potences réalisées dans le même matériau.

© Photos Philippe Donnaes

Si la normalisation du matériau devrait jouer en faveur de son développement, il n'est pas dit qu'elle contribuera à favoriser l'émergence de nouveaux acteurs sur ce marché quelque peu verrouillé.

La France est le premier pays au monde à avoir mis au point des normes sur les BFUP1, commente Patrick Guiraud, le directeur du pôle génie civil « de Cimbéton. Celles-ci étant directement bâties sur le modèle des normes béton en vigueur, afin de pouvoir s'imbriquer parfaitement dans le contexte européen. Donc plus d'excuse ni d'obstacle à vaincre face aux frilosités techniques qui pouvaient encore perdurer sur l'emploi et la diffusion de ce matériau révolutionnaire. » Révolutionnaire ? Pas vraiment, puisque les premières applications de ces bétons fibrés à ultra-hautes performances, BFUP donc, datent de la fin des années 1990 (Passerelle de Sherbrooke au Canada en 1998), à une époque où le matériau, inventé par Pierre Richard, l'ancien directeur de la recherche scientifique du groupe Bouygues aujourd'hui disparu, s'appelait encore BPR (béton de poudres réactives).

Un matériau mature

Mais vingt années, « c'est l'intervalle normal et nécessaire pour qu'une innovation arrive à maturité et s'impose dans le monde du BTP », ajoute Patrick Guéraud. Dans ce laps de deux décennies, le matériau a néanmoins connu de nombreuses utilisations, les deux premières applications hexagonales officielles étant celles des centrales nucléaires de Cattenom (57) et Civeaux (86). Deux exemples qui constituent une illustration parfaite des capacités du matériau en termes de performances mécaniques et de durabilité dans des environnements sévères.

Longtemps réservés aux moutons à cinq pattes, les BFUP ont néanmoins, principalement sous l'impulsion de l'architecte Rudy Ricciotti, été rapidement employés dans des ouvrages de référence : villa Navara (83) ; barrière de péage du viaduc de Millau (12) ; multiplexe de Rodez (12) ; passerelle du Pont du Diable (34) ; stade Jean Bouin (75) ; MuCEM (13) ; pont de la République (34)…

Depuis, d'autres architectes de renom se sont appropriés le matériau, les derniers ouvrages phares étant ceux de la gare TGV de Montpellier (34) et de la tour La Marseillaise (13), réalisés respectivement par Marc Mimram et Jean Nouvel, l'un des écueils encore à surmonter étant celui du dimensionnement -« peu de bureaux d'études étant aujourd'hui capables de maîtriser les calculs inhérents », poursuit Patrick Guiraud.

La passerelle du Pont du Diable (67,50 m), conçue également par Rudy Ricciotti, est le premier ouvrage en BFUP a intégrer une post-contrainte. ©P.Donnaes

Nouveaux fabricants

Côté offre, le marché est dominé par trois formulations - le BSI d'Eiffage, le Smart-up de Vicat et, bien entendu, le Ductal de Lafarge -, mais quelques préfabricants s'aventurent néanmoins sur le créneau, en développant des BFUP maison. À l'instar de la PME drômoise IDBAT, qui a réalisé le Pavillon 52 de Rudy Ricciotti, dans le quartier lyonnais de la Confluence, et démarre la construction du centre d'affaires montpellié-rain Audace. Ou de l'espagnol Casellas Xirgu, qui a préfabriqué, pour le compte de l'entreprise François Fondeville, les résilles de l'Institut hospitalo-universitaire de Marseille ainsi que celles du nouveau collège Paul-Langevin d'Elne (Pyrénées-Orientales). Une formulation ibérique conçue, en l'occurrence, « en collaboration avec le département matériaux de l'université de Gérone, avec des fibres d'origine japonaise et des adjuvants allemands », précise Marc Casellas, le directeur de l'entreprise, sans s'étendre davantage sur la composition du mélange. Mais nous sommes ici sur des applications de type esthétique et non pas structurelle, la nouvelle norme faisant le distinguo à partir du seuil des 150 MPa. Les nouveaux acteurs souhaitant intégrer ce marché porteur pourront-ils passer avec succès les épreuves de normalisation et venir jouer ainsi dans la cour des grands ? Et ce alors que les essais s'effectuent dans un nombre de laboratoires très restreints qui de plus, pour certains, fournissent la matière première que constitue le ciment… Affaire à suivre.

1 À noter que la troisième édition du troisième symposium international sur les BFUP, organisée par l'AFGC (en partenariat avec la FIB, RILEM et l'American Concrete Institute), se tiendra à Montpellier du 2 au 4 octobre.

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