Les arcades de verre et les alvéoles vitrées sérigraphiées, en dégradé vers le bas, laissent pénétrer la lumière du jour dans la Jetée du terminal 2E, tout en la protégeant des surchauffes.
© (Doc. Roberta Affatato.)
La lumière dans les grands espaces intérieurs assure une double fonction : procurer une ambiance confortable en participant au guidage visuel des usagers et mettre en valeur les éléments architecturaux de l’espace. L’étude de l’éclairage ne peut, dans ce contexte, être dissociée de la conception même du bâtiment.
La lumière constitue un matériau à part entière. » Paul Andreu a été le premier à exprimer ainsi l’utilisation que l’on peut faire de la lumière, qu’elle soit de jour ou artificielle. Déjà, dans la gare d’interconnexion de Roissy-Charles-de-Gaulle, l’architecte en chef des Aéroports de Paris avait joué sur la combinaison d’ombres, de blancheur et de lumière pour obtenir une impression de quiétude dans un lieu toujours en mouvement. Le passager doit bénéficier d’une lecture simple de son environnement pour se diriger aisément ou patienter en toute tranquillité dans un espace où il n’est qu’en transit mais où les difficultés doivent être réduites au minimum. Cette gestion, ou plutôt cet ordonnancement des informations dans l’espace, s’effectue autant par la recherche de l’effet souhaité que par des systèmes d’éclairage à la technique complexe.
De manière générale, l’éclairage doit à la fois répondre à des exigences en termes de niveaux d’éclairement, de contrôle de la lumière, c’est-à-dire limitation de l’éblouissement et atténuation de contrastes, de niveau d’uniformité et créer par ailleurs des ambiances confortables et agréables. Indissociables, ces critères constituent la base fondamentale de la qualité de la lumière et si certaines valeurs doivent être respectées, la mise en lumière doit s’adapter, voire s’intégrer, à l’architecture de chaque bâtiment.
La lumière, un élément d’architecture à part entière
Pour la gare d’interconnexion de Roissy par exemple, une large place a été faite à la lumière naturelle qui pénètre dans le bâtiment grâce à l’immense verrière sérigraphiée et aux petites verrières latérales. Pour ne pas alourdir cette structure et conserver au site l’ambiance calme qui s’en dégage le jour, le concepteur lumière Louis Clair a opté pour un éclairage indirect. Ainsi, les projecteurs disposés dans les murs à la base de la verrière sont dirigés vers celle-ci ; le verre sérigraphié joue alors le rôle de réflecteur. Pour cet éclairage, les lampes choisies présentent une température de couleur de 4 200 K proche de la lumière naturelle, ce qui permet d’obtenir de jour comme de nuit une qualité de lumière identique provenant de la verrière. Même si les deux bâtiments présentent des architectures et des fonctionnalités différentes, la gare d’interconnexion et le Terminal 2E partagent la même paternité. Encore une fois, Paul Andreu s’est servi de la lumière comme élément d’architecture, de jour comme de nuit, pour révéler l’aspect de la matière et souligner la géométrie du lieu. Déjà, à propos de la verrière de la gare d’interconnexion, Paul Andreu expliquait son travail sur la lumière de la manière suivante : « Par le jeu combiné de la sérigraphie et des structures se crée une matière faite d’un mélange d’obscurité blanche et de lumière, une matière lumineuse plus ou moins obscure, s’il est permis d’assembler tous ces mots de manière si contradictoire. » On s’aperçoit finalement que la contradiction n’existe que dans le discours et cette notion apparemment antinomique « d’obscurité blanche » cache une mise en lumière aussi savante que poétique. La Jetée, tel est le nom attribué au bâtiment abritant la zone d’embarquement du nouveau terminal de Roissy, s’étend sur près de 700 m de long. Sa structure pourrait évoquer celle d’un tunnel si elle ne laissait pénétrer largement la lumière naturelle. En effet, en plus des deux extrémités du bâtiment qui sont fermées par des façades de verre transparent, la voûte en béton est constituée de plusieurs coques séparées les unes des autres par des arcades en verre qui ponctuent le bâtiment sur toute sa longueur. Afin d’éviter « l’effet de serre » et la transparence brutale de ces séquences, une sérigraphie en dégradé vers le bas a été utilisée : concentrée sur la partie zénithale, elle permet de tamiser les rayons du soleil ; légère sur les côtés, elle laisse pénétrer la lumière latéralement au niveau du sol.
La nuit s’illumine par un éclairage indirect
Les coques elles-mêmes sont percées d’alvéoles vitrées sur toute leur surface. Chaque coque (d’environ 68 m de long) compte 28 modules (rangées) de vitrage. Comme pour les arcades, le verre a été sérigraphié en dégradé : les modules situés au plafond sont complètement opaques et s’éclaircissent de plus en plus pour devenir presque transparents à la base de la voûte. L’éclairage artificiel conçu pour ne fonctionner que la nuit suit le même processus, mais inversé.
Pour Roberta Affatato, une des architectes associés du projet, « outre les exigences d’éclairagisme, nous souhaitions conserver au bâtiment la même ambiance lumineuse la nuit. Aussi avons-nous décidé de réutiliser le principe de dégradé avec l’éclairage artificiel. Pour ce faire, les alvéoles jouent le même rôle de puits de lumière, mais en négatif. » En fait, les luminaires ont été principalement placés dans les cavités du plafond de la voûte (opacifiée de jour), comportant des miroirs réfléchissants, et dans la partie incurvée supérieure sans descendre jusqu’au sol : la lumière vient du haut au lieu de venir latéralement comme c’est le cas de jour. Les arcades de verre ne bénéficient pas d’un éclairage particulier et laissent l’éclairage extérieur (pistes, bâtiments voisins, clair de lune) jouer avec la lumière diffuse de l’intérieur. Outre l’effet spécifique recherché, il fallait trouver un appareil dont les performances puissent répondre au cahier des charges des Aéroports de Paris :
– des niveaux d’éclairement pouvant varier de 100 à 200 lux (à 0,60 m du sol) ;
– rapport d’uniformité de 0,7 dans les zones d’attente et de 0,32 dans l’ensemble du bâtiment ;
– un facteur de dépréciation de 0,8 ;
– une maintenance réduite au minimum pour des questions pratiques d’intervention et de coût d’exploitation. Le terminal étant dédié exclusivement aux vols internationaux, il ne ferme que quelques heures par nuit : dans ces conditions, il est difficile d’effectuer des opérations d’entretien telles que le nettoyage ou le changement des lampes ;
– une longue durée de vie de la lampe.
Le fabricant italien iGuzzini a tout de suite choisi la lampe à induction pour son extrême longévité (60 000 heures) et développé un appareil (voir encadré) capable d’offrir à la fois les performances techniques requises et un design permettant de l’associer harmonieusement à l’architecture du bâtiment. En tout, 3 150 luminaires équipés chacun d’une lampe à induction de 85 W, d’une température de couleur de 4 000 K, ont été répartis sur l’ensemble du bâtiment. La coque de l’appareil, en polycarbonate translucide, renferme un réflecteur en aluminium qui permet de réaliser un éclairage indirect : la lumière est réfléchie vers le haut puis renvoyée vers le bas par les miroirs des alvéoles.
Un éclairage unique pour différentes zones
Il n’est pas rare, dans les aéroports, de trouver différentes zones au sein d’un même espace. C’est le cas notamment de l’extension de l’aéroport de Nice qui comprend trois nouveaux bâtiments. La partie centrale, en forme de tronc de cône, rassemble plusieurs activités aéroportuaires : enregistrement, embarquement, tri bagages et quelques commerces. De jour, le site bénéficie de larges apports en lumière naturelle grâce aux façades vitrées inclinées. Le plafond, à 12 m de hauteur, est constitué de tôles ondulées perforées de couleur bleue, de dimensions et d’orientation différentes sur un même plan horizontal. De nuit, il était difficile de rendre le même effet de lumière rasante émanant des façades : l’architecture du bâtiment l’autorisait difficilement et, de plus, il n’était pas souhaitable de faire appel à des projecteurs implantés sur ces façades pour des raisons esthétiques mais aussi pour éviter tout risque d’éblouissement. Pour Gérard Andreu, architecte ADP, l’éclairage artificiel devait se fondre dans le volume conique qui évoquait sensiblement l’architecture des cathédrales. C’est ainsi qu’est née l’idée d’utiliser le principe des suspensions souvent rencontré dans ces lieux de culte, ce qui a permis d’obtenir une hauteur d’éclairage de 5 m. Le luminaire équipé de lampes aux halogénures métalliques de 400 W est muni d’un anneau en verre sablé qui renvoie la lumière vers le haut. Ainsi, un éclairage général direct/indirect met en valeur le plafond et assure un bon confort visuel aux usagers dans toute la partie centrale et ce quelle que soit la zone considérée : la lumière est uniformément répartie avec un niveau d’éclairement de 250 lux au sol. Seules les zones d’enregistrement ont nécessité un éclairage complémentaire au-dessus des banques. À l’extérieur, le cône est souligné d’un trait de néon bleu sur sa partie supérieure.