La maîtrise de l’ambiance sonore passe par l’isolation de la façade et entre les locaux. Elle prend en compte l’acoustique interne. (Doc. Danoline A/S-Knauf Group.)
Guy Capdeville est gérant de la filiale bâtiment du groupe Gamba Acoustique (Haute-Garonne). Ingénieur de formation, il préfère utiliser le terme d’ambiance acoustique, plutôt que de confort, car l’acoustique est loin d’être superflue.
Chacun d’entre nous baigne dans le bruit en permanence (éveillé, endormi, in utero…). Le bruit est l’un des plus importants vecteurs d’information. À ce titre, l’ouïe est donc l’un des principaux sens du corps humain, qui l’aide à se repérer et à s’orienter. Ainsi, une ambiance acoustique correctement traitée favorise le bon usage d’un local, la concentration et diminue le stress.
À l’inverse, trop de bruit peut être synonyme de mal-être, de stress et de fatigue. D’où l’intérêt de prendre en compte l’acoustique dans tous les types de bâtiments et pas uniquement dans les salles de spectacles.
RÉGLEMENTATION Quels sont les principaux textes à prendre à compte ?
L’arsenal législatif va du particulier vers le général. Ainsi, tous les bruits émis dans l’environnement sont pris en compte et réglementés. Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) font l’objet de réglementations spécifiques et tous les autres problèmes de bruits émis dans l’environnement sont soumis au décret 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage, qui est rattaché au Code de santé publique. Dans le Code de l’environnement, le décret 98-1143 du 15 décembre 1998 indique les prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée.
En général, quel que soit le texte réglementaire applicable, la gêne est appréciée par l’émergence et le respect d’un niveau limite. Selon la définition de l’Afnor, l’émergence est une modification temporelle du niveau ambiant induite par l’apparition ou par la disparition d’un bruit particulier. Elle est définie comme la différence entre les niveaux de pression acoustique lorsque le bruit perturbateur est émis et le bruit résiduel.
La différence entre les deux niveaux de pression acoustique ne peut excéder 5 dB(A) en journée et 3 dB(A) la nuit.
Les bâtiments d’habitation relèvent de l’arrêté du 30 juin 1999 – relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments d’habitation – qui a abrogé l’arrêté du 28 octobre 1994 appelé Nouvelle réglementation acoustique (NRA).
Ce texte concerne les constructions neuves, dont le permis de construire a été déposé après le 1er janvier 2000.
Il fixe des objectifs en termes d’isolement aux bruits aériens et aux bruits de chocs entre locaux, de niveaux de bruits émis par les équipements techniques du bâtiment (ventilation, chauffage, rafraîchissement) ainsi que d’acoustique interne des circulations en résidentiel collectif.
Tous les bâtiments ne sont pas réglementés aujourd’hui. C’est le cas des bureaux pour lesquels seule une norme existe.
DÉFINITION À quoi correspond l’acoustique dans les bâtiments ?
Rappelons que le son est une vibration se propageant dans l’air sous la forme de variation de pression. Le niveau sonore est exprimé en décibels. L’échelle logarithmique va de 0 dB(A), soit le seuil de l’audition pour l’oreille humaine à 120 dB(A), le seuil de la douleur. Au-delà, l’échelle permet d’évaluer les bruits émis par les avions, les fusées, les explosions, etc. Comme il s’agit d’une échelle logarithmique, quand l’intensité sonore double, cela correspond à une augmentation de niveau de bruit de 3 dB(A).
Entre chaque décibel, le rapport d’énergie varie dans un rapport de 1,25. La perception du bruit repose sur une appréciation subjective qui dépend bien sûr de la sensibilité de chacun mais aussi du contexte. Ainsi, dans la plupart des cas, une impression de doublement de niveau sonore sera perçue pour une augmentation de l’ordre de 10 dB(A).
L’un des principaux critères pertinents pour caractériser la réverbération est le temps de réverbération (TR). C’est la durée que met le son pour décroître de 60 dB. Plus la durée est longue, plus le local est réverbérant. La réverbération varie aussi en fonction du volume du local.
Ce critère a besoin d’être complété par d’autres dans certains cas. En tant qu’acousticiens, dans les salles d’écoute, nous utilisons également le Speech transmission index (STI) ou le RASTI (Rapid speech transmission index), qui caractérisent l’intelligibilité. Pour qualifier la qualité acoustique de ces salles, nous utilisons également la Clarté (C80) – c’est-à-dire le rapport de l’énergie sonore précoce (sur les 80 premières millisecondes) sur l’énergie sonore tardive – ou la Définition (D50) – c’est-à-dire le rapport de l’énergie sonore précoce (sur les 50 premières millisecondes) sur l’énergie sonore totale.
Dans les lieux recevant des personnes susceptibles de converser entre elles (salles de réception, restaurant), il peut être utile d’éviter l’effet cocktail – surenchère sonore induite par le comportement des locuteurs pour couvrir le niveau sonore des autres locuteurs.
SOLUTION Comment traiter une ambiance sonore ?
La première étape est de définir l’objectif. S’agit-il d’isoler une salle de réunion du bureau adjacent ? D’éviter qu’une musique amplifiée ne dérange les riverains ? De permettre une qualité d’écoute satisfaisante dans une salle de classe ou de concert ? En général, la maîtrise des ambiances sonores dans un bâtiment consiste à maîtriser l’isolement de façade (isolement acoustique de l’enveloppe), les isolements acoustiques entre les différents locaux ainsi que vis-à-vis des circulations, les niveaux de bruits de chocs, l’acoustique interne (la réverbération), le niveau de bruit émis par les équipements techniques à l’intérieur des locaux mais aussi dans l’environnement. Grâce à la concertation avec la maîtrise d’œuvre, il est possible de réfléchir à la forme, à l’orientation, aux systèmes constructifs ainsi qu’aux matériaux entrant dans la constitution du bâtiment. Nous prenons en compte le classement des infrastructures situées à proximité (arrêté du 30 mai 1996), en particulier pour les voies à fort trafic, les obstacles entre la voie et le bâti, etc. Nous veillons aussi à l’isolation entre les locaux, en réduisant la transmission solidienne des bruits de chocs, et en évitant les ponts phoniques. Les parois doivent être étanches. Un trou de 1 mm2 sur une paroi de 10 m2 limite sa performance à 70 dB. Si l’objectif d’isolement DnTA s’élève à 60 dB, ce type de fuite aura une influence sur le résultat. Enfin, nous travaillons sur l’absorption des ondes sonores. Elle est souvent réalisée par des matériaux à pores ouverts dans lesquels les ondes pénètrent et sont transformées en chaleur. Plus l’acousticien intervient tôt et plus les solutions retenues seront adaptées.
ÉQUIPEMENTS TECHNIQUES Comment limiter la transmission vibratoire ?
Avec les réseaux aérauliques de renouvellement d’air, le bruit est généré au niveau de l’aspiration et du refoulement d’air, de la carcasse de l’équipement mais aussi par les transmissions vibratoires via les fixations et les conduits. Des bruits parasites sont aussi émis au niveau des changements de section ou dans les coudes. Pour atténuer les bruits générés lors de l’aspiration ou du refoulement, plusieurs solutions techniques sont disponibles, en particulier avec des silencieux cylindriques ou à baffles parallèles. Les capots et les écrans atténuent le bruit de l’élément qu’ils enveloppent donc le bruit émis par la carcasse de l’équipement. Mais leur surface peut être réfléchissante et participer dans ce cas à l’augmentation du niveau sonore, et diminuer l’efficacité acoustique de l’ensemble. D’où l’intérêt de travailler sur l’absorption et sur l’isolation, avec deux types de matériaux qui permettent de répondre à ces deux exigences antagonistes.
LOGICIELS Quel est le principe de fonctionnement ?
Certains logiciels servent à prévoir le bruit selon la géométrie d’un site, en intérieur ou en extérieur. L’acousticien saisit cette géométrie en 3D, renseigne la position et le type de sources de bruit ainsi que leurs caractéristiques (puissance, directivité, performances acoustiques des parois, etc.). Le programme calcule ensuite les niveaux sonores et peut produire des cartes de bruits en couleur. Ces logiciels évaluent également la décroissance spatiale par rapport à une source de bruits donnée. Pour ces calculs, nous utilisons notre propre logiciel, Acous Propa, qui est également commercialisé. D’autres logiciels, tels qu’Acoubat, du Cstb, ou Acous Stiff, développé chez nous, évaluent l’isolation entre deux locaux. Souvent, il y a confusion entre l’indice d’affaiblissement acoustique et l’isolement acoustique. Le premier ne dépend que des caractéristiques intrinsèques de la paroi. Le second caractérise la performance d’atténuation entre deux locaux ou entre deux zones. Dans le cas de deux locaux juxtaposés, l’isolement acoustique prend donc en compte les 12 types de transmissions latérales (sols, planchers, cloisons, plafonds, etc.) ainsi que la transmission directe à travers la paroi séparative (indice d’affaiblissement acoustique).