Accessibilité : les règles d’application analysées

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Accessibilité : les règles d’application analysées

Un rapport ministériel fait état de la faisabilité des dispositifs retenus dans la construction, et propose des aménagements.

Le rapport commun présenté par le CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable), l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) et le CGEFi (Contrôle général économique et financier) « Sur les modalités d’application des règles d’accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées », publié le 12 septembre 2012, fait suite à une demande de cinq ministères concernés par les effets de la loi du 11 février 2005. Jean-Paul Henry, ingénieur spécialiste de la sécurité incendie et de l’accessibilité à la Direction technique et des Méthodes de Socotec, en analyse les principaux aspects.

CTB : Quelle est l’origine de ce rapport ?

Jean-Paul Henry : Certaines dispositions de conception et de construction des bâtiments, issues de l’application de la loi du 11 février 2005, ont rencontré des difficultés d’application, soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons économiques. Les ministères concernés ont missionné le CGEDD, l’Igas et le CGEFi pour « évaluer la réglementation technique existante en matière d’accessibilité du cadre bâti au regard… de son efficacité technique, de son coût de mise en œuvre et de son impact en terme de qualité d’usage pour tous ». Il s’agissait aussi de donner des pistes d’amélioration.

CTB : Qu’en ressort-il ?

J.-P.H. : Ce rapport constitue d’abord un excellent énoncé de toutes les dispositions identifiées comme posant problème avant sa rédaction, en s’appuyant sur l’avis de toutes les catégories de personnes concernées et donc de tous les acteurs.
Il comporte des propositions de solutions et des réflexions pour une adaptation ou une modification des principes qui ont dirigé la rédaction de l’actuelle réglementation.
Par exemple, dans le logement neuf, le rapport relève que l’obligation de livrer d’emblée des appartements adaptés au déplacement en fauteuil roulant est visiblement en contradiction avec les souhaits de la plupart des occupants. On le constate lors des travaux qu’ils entreprennent après la livraison, tels que le passage d’une cuisine américaine à une cuisine fermée, la séparation de la partie WC de la partie bains…
Le rapport estime, à ce propos que ce n’est pas un facteur de progrès.

CTB : Qu’en est-il des objectifs 2015 ?

J.-P.H. : Clairement, ce document constate que la mise en conformité pour 2015 des Établissements recevant du public existants paraît impossible. À ce jour, seulement 15 % des objectifs seraient atteints. Au point qu’il s’interroge sur la nécessité de repenser certaines exigences, en particulier pour tout ce qui concerne l’existant. Il met aussi cette difficulté technique en rapport avec des conditions économiques de plus en plus contraignantes.
D’autant que les possibilités de dérogations dans les constructions neuves ont été annulées par le conseil d’État en juillet 2009. Cette décision est particulièrement problématique dans le cas des résidences de tourisme qui doivent strictement respecter la règle d’une accessibilité à tous les logements, dès lors qu’elles sont classées comme habitations.
Considérant qu’il est évident que seule une part réduite de logements sera occupée par des personnes handicapées, le rapport propose, d’une part de revenir à la notion de quota, mais en passant du seuil de 5 % de l’ancienne réglementation à 10 %. Il pourrait d’ailleurs en être de même pour les chambres d’étudiants. D’autre part, il pose le principe de démarche performancielle. Il s’agirait de pouvoir retenir une solution différente de celles qui sont actuellement imposées, dès lors que serait démontrée son efficacité au regard de l’objectif accessibilité. Il cite aussi le cas des cheminements extérieurs, évaluant à 1 % la proportion de constructions, où la limitation de la pente est quasi impossible à respecter en raison du relief du terrain.

CTB : Qu’en est-il de l’existant ?

J.-P.H. : Pour les auteurs de ce rapport, les demandes actuelles pour l’existant sont « trop exigeantes ». Il cite, notamment, le cas des petits hôtels de 5 e catégorie pour lesquels le coût des travaux demandés est dissuasif. La somme des exigences accessibilité et incendie, à elles seules, aboutiront sans doute à la disparition de nombre d’entre elles. Pour les résidences de tourisme, quand elles viennent à être reclassées en ERP, le texte propose de ne pas leur appliquer les règles concernant l’accessibilité des ERP existants.
Une possibilité de refonte des exigences est évoquée, en fonction des types d’ERP.
Il est proposé également d’imposer un calendrier du « Reste à faire » pour tous les ERP avant le 1 er janvier 2014 en tenant compte des modifications proposées par le rapport.

CTB : Il traite également des commissions d’accessibilité

J.-P.H. : Soulignant une « incertitude juridique » et un « régime excessif d’imprévisibilité », les auteurs relèvent la disparité des avis en fonction des départements, suggèrent la création d’une commission de recours régionale contre l’avis des commissions d’accessibilité. Le besoin de formation des personnes handicapées qui en sont membres est souligné, pour leur permettre de prendre en compte l’ensemble des handicaps et pas seulement celui auquel elles sont confrontées.

CTB : Que peut-on attendre de ce document ?

J.-P.H. : C’est un constat réaliste qui affirme la volonté de maintenir l’esprit de la loi de 2005, en invoquant le principe de la conception universelle. Il présente des propositions concrètes, notamment pour les situations les plus difficiles et va même jusqu’à proposer le rétablissement de la notion de tolérance sur les dimensions. On exprimera le regret qu’il ait été rédigé avant la publication de la nouvelle version du Code du travail, applicable conjointement dans les ERP et qui provoquera d’autres difficultés d’application de par les contradictions à venir avec l’actuelle réglementation.

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