Cet ouvrage en terre a été remis au goût du jour par un entrepreneur local et adapté aux techniques modernes de construction. Il démontre ainsi la compatibilité du matériau (ici, le pisé) avec les exigences environnementales.
Entrepreneur de maçonnerie dans les Hautes-Pyrénées (65), Christian Baur réhabilite, avec une maison en pisé, une tradition constructive locale : « Il existe un important patrimoine bâti en pisé et en adobe, dans les pays d'Astarac et Magnoac, au nord des Hautes-Pyrénées. Cette présence atteste de la fiabilité de ces techniques dans cette région. D'ailleurs, la DDE locale encourage fortement ce matériau. »
Avec la construction de cette maison de 169 m2, l'entrepreneur souhaite, certes relancer ce mode constructif, mais aussi faire évoluer les modes de mise en œuvre : « Pour réactualiser la maçonnerie en terre crue, qui offre d'excellentes performances environnementales, je réalise un mariage de ces traditions constructives avec des moyens modernes de mise en œuvre ». Outre l'utilisation d'engins telles que les pelles mécaniques pour triturer la terre ou pour remplir les banches, Christian Baur emploie, pour tasser et compacter la terre, un fouloir pneumatique et non pas de l'antique pisoir, pizon ou pisou. Des méthodes de travail qui lui permettent, tout en diminuant la pénibilité, de réduire la durée du chantier et donc les coûts : « J'obtiens ainsi un coût fourniture et pose de l'ordre de 150 et 200 euros hors taxes le m2 dans une configuration simple, à comparer avec un Monumur facturé à 130 euros le m2. Résultat : bien que ce type de construction soit très différent d'une construction maçonnée classique, les délais de production sont similaires ».
Construire en pisé implique de disposer sur place, si l'on veut supprimer l'impact environnemental du transport, d'une terre de qualité. C'est le cas ici avec une terre argilo-graveleuse qui contient de 15 à 25 % d'argile à laquelle on ajoute du sable. Elle se trouve sous la couche de terre végétale du terrain, il convient de contrôler son taux d'humidité de manière à pouvoir la triturer (frasser) et l'agglomérer. La terre doit être sèche au toucher sans être molle ou collante. Ainsi préparée, elle est alors mise en place et damée dans des coffrages modulaires en banches sur une longueur de 2 à 3 m et une hauteur de 60 cm environ. Ces banches, à l'instar de celles servant à couler le béton, sont maintenues écartées par des entretoises. Jusque-là, il s'agit d'une méthode traditionnelle et la logique voudrait qu'entre chaque lit de terre compacté ou tarrède, l'entrepreneur mette en place un lit de mortier de chaux pour liaisonner. Ce qu'il a choisi ici de ne pas faire, pour deux raisons : « La qualité de la terre est suffisamment bonne pour tenir sans renfort. En outre, la chaux résulte d'un process industriel qui consomme beaucoup d'énergie grise. C'est pourquoi je préfère m'en dispenser quand c'est possible. » Seul le mur nord et les combles perdus sont isolés. Le mur à l'extérieur l'est à l'aide de panneaux de liège dans sa partie basse et de panneaux de roseaux recouverts d'un enduit dans la partie haute. Les combles perdus le sont avec une couche de 20 cm de copeaux de bois recouverte de carton de récupération. « Il s'agit d'une alternative à la ouate de cellulose. Cette solution ne répond pas aux exigences des normes incendie en revanche. À l'intérieur, selon les espaces, les murs sont laissés à l'état brut ou recouverts d'un enduit. Pour le chauffage, c'est l'inertie du mur qui assurera la totalité des besoins. En ce qui concerne les équipements techniques, des capteurs solaires thermiques alimentent des murs chauffants en brique de terre crue à forte inertie, un poêle à bois assurera le complément en cas de besoin. Mais c'est aussi la construction dans son ensemble, grâce à l'inertie et aux capacités de stockage de la chaleur de la terre, qui apportera une partie des apports en hiver. Les murs de terre sont utilisés comme moyens de stockage. La chaleur commence à être captée au mois d'août, pour être doucement restituée avec un déphasage de deux à trois mois. « Mais je ne suis pas thermicien, j'attends donc la fin du premier hiver pour valider cet aspect ».