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5 COMPOSITES De nouvelles voies en neuf et en rénovation d’ouvrages

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5 COMPOSITES De nouvelles voies en neuf et en rénovation d’ouvrages

Préfabriqué par Fiberline Composites, ce pont de 38 m de portée sur 3 m de large est constitué de modules de neuf mètres en fibre de verre (seules exceptions ses attaches et boulons). Installé en quelques heures à proximité de Lleida (Espagne), il franchit une voie ferrée et une route depuis 2004. (Doc. Fiberline.)

Même si le nombre d’ouvrages d’art faisant appel aux propriétés des matériaux composites se multiplie en Europe, leur développement demeure très modéré.

Dans le secteur des transports, en particulier l’aéronautique et l’automobile, les atouts des matériaux composites sont maintenant bien connus et exploités. Dans la construction et les ouvrages d’art, leur percée est plus modeste, bien que prometteuse.

Plusieurs dizaines de ponts et passerelles ont ainsi été construites en totalité ou partiellement avec ces nouveaux matériaux aux États-Unis, au Japon et en Chine, mais aussi en Europe, principalement au Royaume-Uni, en Hollande, au Danemark, en Allemagne et en Suisse.

• La résine renforcée de fibres de carbone (CRFP) ou d’aramide (AFRP) est préférée pour les câbles (haubanage ou renforcement de structures).

• La résine renforcée de fibres de verre (GFRP) est utilisée pour les tabliers, garde-corps ou poutres.

Par rapport au béton et à l’acier, le composite propose une grande légèreté qui facilite le transport et l’assemblage. Sa tenue à la fatigue et sa durabilité entraînent de faibles coûts de maintenance. Et la résistance à la corrosion est très appréciée en atmosphère humide ou saline, tels les bords de mer, de lagons ou l’offshore. Enfin, la non-conductivité du matériau est avantageuse dans certains cas. Par exemple, la passerelle pour piétons et cyclistes de Kolding au Danemark franchit une voie de chemin de fer électrifiée. D’une portée de quarante mètres, elle a été entièrement réalisée en 1997 en composite par Fiberline Components.

Réparation : un marché mature

Le développement le plus prometteuréconomiquement pour le composite est certainement celui de la réparation et du renforcement d’ouvrages existants.

• Sa grande rigidité lui permet de réparer des structures endommagées par accident, ou par vieillissement. En particulier les ouvrages ayant un caractère historique, peuvent être renforcés de manière presque invisible et sans charger davantage les structures d’appuis et les fondations.Une des premières réalisations date du début des années 90. Un pont en bois de 185 ans d’âge, le pont Sins situé dans le canton d’Aargau en Suisse, a été renforcé par des plaques d’époxy fibré de 1 millimètre d’épaisseur. Autre exemple, les poutres métalliques longitudinales corrodées du pont Paludo de Venise ont été remplacées par des profilés en GFRP obtenus par pultrusion et fabriqués par Top Glass. Ce pont de 12,7 m de long pour 3,25 m de large est composé d’un tablier bois sur une structure métallique qui était fortement corrodée du fait de l’humidité ambiante. Grâce à la légèreté du composite, une seule journée a permis de remplacer les poutres métalliques longitudinales par les profilés composites, puis de remettre de nouvelles poutres transversales en bois et un nouveau plancher.

• Les composites peuvent aussi servir à renforcer un ouvrage qui change de fonction, ou qui a été mal dimensionné ou pour prendre en compte l’évolution des réglementations, en particulier anti­sismiques. Le renforcement d’ouvrages peut aussi être réalisé avec des câbles en composite fibre de carbone. Le cas du pont Verdasio en Suisse est emblématique. Il a été réparé en 1998, avec quatre câbles remplaçant des sections en acier corrodées.

Des réussites isolées pour le haubanage

• Les câbles en composite peuvent aussi servir pour les haubans. Une des plus belles réalisations se trouve en France. Il s’agit de la passerelle piétonne de Laroin dans les Pyrénées-Atlantiques, qui enjambe le gave de Pau (voir encadré). La mise au point des blocs d’ancrage de ses câbles a été récompensée par le prix 2001 de l’Innovation de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).

En Europe, d’autres projets ont vu le jour, dont Aberfeldy, en Angleterre (1993). Les haubans de cette passerelle sont en fibre aramide et ont été fournis par Linear Composites. Au Danemark, le pont piéton d’Herning (1999) sert de plate-forme expérimentale. Les seize câbles de son haubanage sont en CFRP, ainsi que les câbles de post-tension de son tablier. Et afin de pouvoir procéder à des tests comparatifs de durabilité, la moitié du tablier a été fabriqué en béton renforcé de CFRP et la moitié en béton armé. Plus modestement, deux des vingt-quatre haubans du pont piétonnier aux cigognes (Storchenbridge) à Winterthur en Suisse sont en CFRP, les autres étant plus classiquement en acier. Mis en service en 1996, ses deux voies ont une portée de 124 m.

• L’emploi de composites renforcés à la fibre de verre est beaucoup plus développé pour les armatures (poutres), les tabliers préfabriqués ou les couvertures à base de panneaux-sandwich. Pour obtenir de grandes portées, la souplesse du matériau nécessite le recours à des porteurs primaires en acier ou en béton armé. Si plus de deux cents ouvrages dans le monde possèdent des tabliers (ou des poutres) en composite fibre de verre, aucun n’a vu le jour en France. Les exemples de réalisations sont à chercher à l’étranger comme le pont de Lleida (Espagne). D’une portée de 38 m, poutres, tablier, arches et garde-corps sont tous en composites. En revanche, le pont Holländerbrücke (Allemagne), d’une portée de 100 m, est mixte. Mis en service en août 2009, son tablier est en composite fibre de verre et sa structure primaire en acier. Quant au Hollandais Lightweight Structures, leur projet phare est un pont de 12 m de portée. Tout en composites, il a remplacé un vieux pont piéton en bois situé à Utrecht, en Hollande. La coque et la couverture en sandwich du nouveau pont, ont été transportées et installées en un seul tenant.

Une absence de normalisation

Le projet le plus complet – et un des plus anciens – est situé dans un club de golf écossais à Aberfeldy. Cette passerelle à haubans a été construite en 1992 par Maunsell Structural Plastics. Sa portée est de 63 m pour une largeur de 2,12 m de large. La longueur totale de l’ouvrage est de 113 m, pour un poids de l’ensemble de la structure de 22 t. L’ensemble est en fibre de verre : tablier, poutres, balustrade, les deux piliers en A... Les haubans sont eux en fibre d’aramide de marque Parafil. Fabriqués par Linear Composites, ils sont protégés par une enveloppe de polyéthylène. Les attaches de l’ouvrage sont collées, sauf celles entre les câbles et les poutres transversales qui sont mécaniques. Les fondations assez légères et l’assemblage rapide de pièces ont permis à cette solution d’être économiquement compétitive. Mais ce n’est pas toujours le cas, surtout lorsque la fibre de carbone plus coûteuse, est employée.

De plus, du fait de la souplesse du matériau, le dimensionnement de pièces composites doit être soigneusement étudié, comme la longueur des câbles ou la portée des poutres.

La mise en œuvre des jonctions représente aussi un défi. Enfin, les BE éprouvent des difficultés à prédire la charge ultime, la durabilité et la déformation de ces ouvrages, d’autant qu’il existe une grande hétérogénéité des matériaux suivant les constructeurs.

Avec l’absence de normes, ce sont autant de freins au développement à grande échelle de ces matériaux. Malgré de premières réalisations prometteuses, le composite est encore expérimental. L’offre demeure limitée et la concurrence est impitoyable avec le métal, qui revient un peu moins cher.

Jean-François Caron, directeur de recherche à l’Institut Navier (ENPC) souhaite une révolution des procédés : « L’élément de base d’une structure est la poutre avec deux appuis, qui demande de la raideur. Le composite n’est pas le matériau le plus adapté pour y répondre, sauf lorsque le phénomène de corrosion est fort, ou pour des impératifs de légèreté. Même la fibre de carbone, qui est plus raide que la fibre de verre, l’est moins que l’acier. La parade qui consiste à mettre une surépaisseur de matière, n’est pas satisfaisante. Il faut trouver des concepts structuraux innovants, qui exploitent au mieux les propriétés du composite, comme sa résistance importante à la rupture. Le stade actuel de la simple imitation des structures métalliques doit être dépassé. »

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