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4 thermique Rénovation : l’enveloppe comme priorité

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4 thermique Rénovation : l’enveloppe comme priorité

À Bondy (93), dans le quartier de la Noue Caillet (Semidep), montage en façade de modules préfabriqués pour former un tampon acoustique de 6 m2. Les boîtes à cinq faces en mélèze massif brut contrecollé ont été empilées à l’aide d’une grue sur des voiles de béton au rez-de-chaussée et ac-­crochées à la façade. Les 160 loggias ont été posées en deux mois à l’aide d’un grutier et deux poseurs.

La rénovation thermique est l’occasion de requalifier le bâtiment pour répondre en même temps aux enjeux multiples des bailleurs sociaux. Pour faire face à la demande, les solutions techniques devraient s’industrialiser.

Quelles sont les meilleures solutions techniques disponibles aujourd’hui pour la rénovation en logement social ? Sans doute celles qui peuvent répondre en même temps au plus grand nombre de contraintes et enjeux auxquels sont confrontés les bailleurs sociaux, qu’ils soient techniques, financiers ou sociaux ; qu’ils concernent l’énergie ou non.

Pour Pascal Lemonnier, secrétaire adjoint du Puca (Plan urbanisme construction architecture) : « Il y a deux règles essentielles : penser global et faire simple. Penser global sous-entend que le maître d’ouvrage ait une idée précise de son patrimoine et de l’état de celui-ci, ce qui renvoie aux Plans stratégiques du patrimoine (PSP). Faire simple, c’est encore plus important dans les grosses réhabilitations, avec beaucoup d’intervenants, où tout doit être compris par tous. Cela implique des techniques et procédés simples et robustes ». Forcément performantes du point de vue thermique, les techniques doivent aussi être faciles et rapides à mettre en œuvre, l’essentiel des rénovations se faisant en site occupé.

Modules préfabriqués en façade

L’utilisation de modules préfabriqués peut correspondre à cette approche « tout-en-un » , pouvant intégrer, en plus de l’isolant thermique et de la finition : les menuiseries, des balcons, loggias, celliers ou vérandas, locaux techniques, voire escaliers, ou gaines destinées aux fluides qu’il ne reste plus qu’à brancher (d’où l’expression « plug-in ») lors du montage. Ces modules permettent aussi une mise en œuvre rapide, avec une enveloppe plus performante, car rendue plus facilement étanche à l’air. Des systèmes fréquemment proposés par les architectes lors de la consultation Reha (« Requalification à haute performance énergétique de l’habitat collectif »), tels les 16 systèmes sur 17 des réponses retenues à cet appel à proposition du Puca, dont l’objectif était d’obtenir un panel de solutions architecturales et techniques reproductibles.

Ceux-ci ne sont toutefois pas encore entrés dans les habitudes des maîtres d’ouvrage. « Tout le monde en parle, affirme l’architecte Laurent Pillaud (agence Virtuel), mais il y a encore peu de réalisations. Très souvent, les bailleurs sociaux sont partants, mais finalement, le chef de projet préfère revenir à des réhabilitations plus classiques de l’enveloppe (de type polystyrène  enduit) et nos projets ne passent pas. » Cependant, des projets aboutissent. À l’image de celui de Bondy (93) – rénovation de 160 logements par l’installation de loggias préfabriquées en mélèze massif contrecollé (voir page 78), pour un traitement acoustique de bâtiments longeant l’autoroute A3 – qui date de 2009. En effet, comme l’assure Thierry Rieser, ingénieur thermicien chez Enertech : « Ces solutions sont “ mûres ” en France ». Agissant en tant que maître d’œuvre, ce bureau d’études fluides prévoit l’emploi de panneaux préfabriqués (isolant  menuiseries  finitions) dans une réhabilitation de logements collectifs (copropriété) à Bagnolet (93) (architecte : Jourda), pour une livraison estimée en 2013. Ils sont conçus de façon à être montés sans grue, grâce à des engins de levage et doivent réduire la durée des travaux « à environ deux jours par logement ». La préfabrication permet d’obtenir une meilleure étanchéité à l’air mais, avertit-il, « Leur mise en œuvre doit être soignée : nous travaillons avec des façadiers expérimentés dans ce domaine », précise-t-il. Et de conclure : « Les modules préfabriqués sont particulièrement indiqués lorsque la façade est complexe, car ils permettent une certaine liberté en terme d’architecture (décrochés de façade…). Pour une façade peu complexe, une ITE simple convient ».

Passage des fluides par l’extérieur

La façade peut aussi être utilisée pour le passage des fluides. Une solution mise en œuvre pour la première fois à Bourgoin-Jallieu (38) (voir page 80) pour la résidence Leclerc (Opac 38), livrée en février dernier et qui sera également utilisée à Bagnolet. La centrale VMC collective à double flux est installée en toiture et, plutôt que de passer les conduits à l’intérieur avec des carottages, les gaines de soufflage, recouvertes d’isolant, passent verticalement par la façade extérieure, les conduits intérieurs existants étant utilisés pour l’extraction. « Le procédé vient de Suisse, à des prix tout à fait intéressants comparativement à la solution traditionnelle du carottage de dalles », précise Thierry Rieser.

Autre solution qui sera testée prochainement par Enertech dans une réhabilitation à très basse consommation à Chalon-sur-Saône (maître d’ouvrage : Opac 71, architecte : Chambaud) : l’utilisation de la ventilation à double flux décentralisée. Les caissons (de la taille d’une armoire à pharmacie) sont posés en façade, côté intérieur : un appareil pour deux pièces (une sèche et une humide). L’air neuf traverse l’isolant, puis le mur de façade, passe par l’échangeur, avant d’être insufflé dans la pièce sèche – l’air vicié qui réchauffe l’air entrant ayant été récupéré dans la pièce humide, lorsque celle-ci est aveugle, grâce à un soffite. « Ce type de matériel décentralisé commence à se trouver en France [notamment le fabricant allemand GLT, ndlr]. Les filtres peuvent être changés, soit par les locataires – l’opération est très simple – soit sous la responsabilité du bailleur, par exemple à l’occasion d’un relevé de compteur d’eau chaude ou froide », indique l’ingénieur thermicien.

Les possibilités existent, donc, mais leur mise en œuvre dépend aussi des capacités locales à se mobiliser pour innover. Ainsi, témoigne encore Thierry Rieser : « Pour l’opération à Chalon-sur-Saône, nous n’avons pas trouvé d’entreprise structurée pour réaliser à bas coût des panneaux préfabriqués en usine pour l’ITE. Nous avons donc opté pour une ossature bois montée sur place, qui porte l’isolant ». Les loggias de la Semidep à Bondy, ont, elles, suivi un long parcours : les panneaux en mélèze massif contrecollé ont été fabriqués en Allemagne et les loggias ont été montées à Bordeaux (HB Distribution), puis transportées par camions à Bondy. « Nous n’avons pas été très performants sur le plan “ carbone ”, assume l’architecte. En effet, ce sont les lois du marché qui ont primé. J’avais proposé à l’entreprise de constituer un atelier de préfabrication sur place, mais ça n’a pas été possible. »

Murs Trombe-Michel et fenêtres pariéto-dynamiques

Pour Jean-Luc Collet, architecte à Valenciennes (59), qui a mis en œuvre dans un chantier (neuf) des panneaux préfabriqués à hauteur d’étage à double ou triple niveau, les modules doivent aussi pouvoir être réalisés « par le charpentier du coin ». « Il n’y a pas de difficulté technique qui ne puisse être résolue dans les détails de conception, assure-t-il. Pour que, sur place, les modules puissent se monter comme un Meccano, notre principe est de dessiner les détails à l’échelle 1 en accord avec l’outil du charpentier. »

Chez Pas-de-Calais Habitat, la participation à un projet Interreg franco-britannique (Ifore), qui va permettre de mettre en œuvre à grande échelle – 100 logements sociaux individuels de ce côté-ci de la Manche, 200 au total – des systèmes innovants pour la rénovation, va aussi nécessiter l’implication d’entreprises locales, aussi bien pour les matériaux (l’isolant pressenti est réalisé à partir de textiles recyclés par une entreprise du Nord), que pour les solutions techniques : « Nous reprenons des composants bioclimatiques dont le principe est ancien – murs solaires ou fenêtres pariéto-dynamiques – et nous recherchons leur reproductibilité pour pouvoir les déployer à grande échelle, avec des coûts modiques et une mise en œuvre facile, explique Bertrand d’Agaro, responsable R&D Énergie et enveloppe du bâtiment. Nous allons donc chercher des entreprises aptes à s’investir pour élaborer des solutions techniques ».

Ainsi, le module indépendant de mur Trombe, mis au point par le Laboratoire génie civil et géo-environnement de l’université d’Artois (59), est conçu pour s’insérer, « comme une porte-fenêtre », dans l’épaisseur même de la façade. Il sera mis en place sur des bâtiments du début des années 80, dont l’ancienne isolation par l’extérieur à la mousse phénolique sera retirée pour lui laisser place. L’utilisation des fenêtres pariéto-dynamiques estégalement prévue dans le projet, dontles travaux débutent au premiersemestre 2012.

Simple à mettre en œuvre, ce type de composant dit « bioclimatique » pourrait ainsi être remis à l’honneur sous une forme industrialisée. Les fenêtres pariéto-dynamiques brevetées par Jacques Paziaud sont utilisées dans la proposition Reha de Jean-Luc Collet (BET : Cardonnel). Pour assurer le débit de ventilation réglementaire en toutes circonstances, elles sont couplées à un système de VNA (Ventilation naturelle assistée) par injection d’air soufflé dans les conduits shunts récupérés pour l’extraction. En plus d’éviter l’installation d’une VMC à double flux, « lorsqu’elles sont orientées au sud, ces fenêtres fonctionnent comme des radiateurs, explique Jean-Luc Collet : elles évitent donc l’effet de paroi froide et représentent un gain de surface habitable en hiver, car l’occupant n’a pas le réflexede s’en éloigner ».

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