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3. Enduits Étanchéifier sans mettre en péril

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3. Enduits Étanchéifier sans mettre en péril

Cette maison bioclimatique récente est en bois et en pisé partiellement apparent. À l'intérieur, la salle de bains et la cuisine sont en terre apparente, avec blindage des gaines électriques. La construction a été réalisée par l'agence Abiterre, avec l'architecte Pascal Scarato.

Lors de la conception et de la rénovation d'une construction en terre, le caractère « respirant » du matériau doit être sérieusement considéré, en particulier en proscrivant les enduits imperméables.

Les ouvrages en terre crue - matériau friable et sensible à l'érosion - doivent être protégés par de larges débords de toiture et des murs de soubassement, avec un drainage soigné. Les murs enterrés sont en effet difficiles à protéger. Misant sur une bonne protection aux intempéries, les ouvrages contemporains n'hésitent pas à privilégier le pisé apparent, sans enduit. En revanche, les façades érodées des bâtiments anciens demandent un ragréage et la pose d'un enduit adapté, voire d'un bardage.

« Un bon mur en pisé n'a pas besoin d'enduits. Ainsi, dans certaines fermes de la région du Bas-Dauphiné, l'habitation a été enduite (raisons culturelles et visuelles) alors que la grange a été laissée en pisé apparent. Les deux ont très bien résisté », précise l'architecte Pascal Scarato, de l'agence Abiterre. Outre la protection, la composition du matériau est primordiale pour une bonne tenue dans le temps. Les terres sablonneuses ou limoneuses, avec peu d'argile, sont plus fragiles. L'amélioration des propriétés mécaniques de la tenue à l'eau d'une terre médiocre passe parfois par une stabilisation avec un liant bien dosé, de chaux ou de ciment. Ainsi, François Xavier Bartoli, de l'atelier Studie à Ajaccio, confie : « Nous réalisons de plus en plus d'extérieurs sans enduit, mais la protection des murs est assurée contre le ruissellement par un battage avec 5 % de chaux dans la terre, ce qui la rend résistante en surface. » Le professeur et chercheur Ali Mesbah de l'Ecole nationale des travaux publics d'état (ENTPE) à Lyon confirme : « En 1994, pour la construction du foyer sacerdotal de l'église d'Ars, le matériau disponible sur place se compactait mal, nous en avons trouvé un qui se compactait mieux et avons fait ajouter de 4 à 5 % de ciment blanc de Lafarge. » Avec la stabilisation, le matériau se densifie et gagne en résistance mécanique, mais isole moins thermiquement. En outre, l'amoindrissement de sa capacité à réguler l'hygrométrie fait perdre en confort. Aussi, les avis divergent. L'artisan autrichien Martin Rauch a, pour sa part, renoncé à l'ajout de ciment, et préfère inclure une surépaisseur destinée à s'éroder, le temps que la surface se stabilise et forme son calcin.

Choisir un enduit poreux

Le choix d'un enduit répond à quelques règles simples. Comme un grand atout du mur en terre crue est de réguler l'humidité ambiante, l'enduit ne doit pas être trop épais ni trop imperméable. Une porosité minimale de l'enduit est indispensable pour que le mur respire. Le risque est que la terre gorgée d'humidité se ronge, et que l'enduit se décolle progressivement avec les chocs thermiques. Les enduits au ciment sont à proscrire ainsi que ceux en terre, plutôt réservés aux intérieurs. Le mieux serait l'enduit traditionnel à la chaux, de préférence aérienne ou faiblement hydraulique, fabriqué sur chantier. Par ailleurs, la chaux se teinte de la couleur du sable, ce qui permet de restituer les couleurs d'origine du patrimoine bâti local. « La perméabilité de l'enduit doit être étudiée et sa composition adaptée à celle du mur », complète Francois Streiff, architecte au Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin. « Par exemple, en Normandie, nous avons mis au point un mélange de chaux, de sable et de terre locale, qui s'avère aussi plus coloré. »

Différentes gammes commercialisées d'enduits à la chaux prêts à l'emploi existent, mais ne permettent pas de répondre à toutes les techniques et à toutes les perméabilités. Ainsi, assure Pascal Scarato : « Nous utilisons parfois l'enduit prêt à l'emploi Parex. Pour d'autres fabricants, nous sommes plus réservés, suite à ce qui nous est arrivé sur un chantier où nous avons demandé la composition d'un enduit à la chaux du commerce. » Le produit ne contient au final que 12 % de chaux, le reste étant du ciment et divers adjuvants. « C'est une question de dosage, nuance Ali Mesbah. Pour un matériau avec un ajout de 2 à 3 % de ciment, l'enduit à la chaux peut en comporter un peu. » Sur les façades érodées des constructions anciennes, la surface doit être reprise avant la pose de l'enduit. « Sur l'ancien, si le pisé est farineux, ajoute Pascal Scarato, on peut même pulvériser un fixateur (de l'eau avec une résine écologique) ou un fixateur à béton à quelques pourcentages. » À chacun ses recettes (caséine, cire de cordoba ou silicates) : les limites d'utilisation de ces techniques sont dans la perte de la perméabilité. L'enduit peut aussi être renforcé avec des fibres naturelles comme le chanvre. « Nous commercialisons un enduit fibré qui est utile surtout pour des murs en torchis à colombage, où les murs sont moins épais et les risques d'érosion plus graves », explique Andreas Krewet, directeur d'Akterre, producteur et distributeur de matériaux terre.

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