Cette maison à ossature bois située à Carla Bayle (09) comprend 160 m2 de murs en terre-paille de 30 cm d'épaisseur. Leur réalisation a nécessité 11,2 t de terre et 3,2 t de paille. La densité ainsi obtenue est de 270 kg/m3, ce qui permet un coefficient de conductivité thermique (lambda) de 0,09 W/m2.K. (Docs. Juan Trabano architecte/Scop RAH Inventerre.)
La terre crue n'isole pas, mais ses propriétés thermophysiques en font une régulatrice de la température et de l'hygrométrie qui lui permettent de contribuer de façon non négligeable au confort thermique d'un bâtiment.
«La terre ne possède nullement les propriétés thermiques dont on a bien voulu la doter. Le matériau n'est pas très isolant », affirment Hubert Guillaud et Hugo Houben dans l'ouvrage de référence Traité de construction en terre (1). Leur objectif : balayer l'idée persistante que la terre isole thermiquement. Les chiffres qu'ils indiquent sont patents : pour une masse volumique de 1 500 kg/m3 (terre sèche), la conductivité thermique est de 0,75 W/m.K . Elle atteint 1,1 W/m.K pour une masse volumique de 2 000 kg/m3 (pisé en climat humide). Pour améliorer la résistance thermique de la terre crue, son pouvoir isolant peut être renforcé par l'ajout de fibres végétales : paille, chanvre, copeaux de bois, lin, roseau broyé. Le mélange terre-paille permet de moduler la masse volumique des murs de 300 à 1 300 kg/m3 pour répondre aux besoins en termes de résistance, d'isolation thermique et/ou phonique, d'inertie thermique en fonction de la zone climatique, de l'orientation du mur ou de nuisances sonores. Il permet d'atteindre un coefficient de conductivité thermique d'environ 0,10 W/m.K : ainsi un mur de 30 cm obtient une résistance thermique de 3 à 3,6 m².K/W. Un mélange terre-paille ou terre-copeaux peut aussi être utilisé en remplissage d'une ossature bois, en sous-couche d'une dalle de terre compactée ou une dalle de béton de terre. Il existe des produits isolants à base de terre crue comme des briques de terre-paille. Enfin, des panneaux rigides constitués de roseaux naturels sont souvent utilisés pour les constructions en terre crue car ils sont très denses et ne craignent pas l'humidité.
Absorption de la vapeur d'eau
Piètre isolant quand elle est utilisée seule, la terre possède d'autres caractéristiques thermophysiques intéressantes qui lui permettent de contribuer efficacement au confort thermique des occupants d'un bâtiment et de réaliser des économies d'énergie. Sa capacité d'absorption de la vapeur d'eau, d'une part. Cette propriété explique d'ailleurs, avec le type de mise en œuvre (compactage ou non de la terre), la variabilité de sa conductivité thermique en fonction de sa teneur en eau. Le coefficient lambda d'un mur en terre non stabilisé à la chaux peut varier du simple au double en fonction des conditions climatiques, pour une variation de la teneur en eau de 1 à 7 %.
La terre crue, grâce aux argiles qu'elle contient, possède en effet un grand pouvoir absorbant qui lui permet de s'imprégner de la vapeur d'eau jusqu'à ce qu'un équilibre hygroscopique s'établisse entre le matériau et l'air. Une brique de terre crue peut ainsi capter 3 % de son poids en vapeur d'eau, soit jusqu'à 13,2 kg d'eau absorbés par 1 m2 de mur de 22 cm d'épaisseur. La vapeur d'eau est ensuite restituée dans la pièce lorsque l'humidité relative diminue. Cet échange dynamique permet de maintenir une hygrométrie quasi constante, autour de la zone de confort optimale de 40-50 % d'humidité relative de l'air (à 20-22 °C).
Deux centimètres suffisent
Le phénomène fonctionne même à faible épaisseur : « Il n'est pas nécessaire de construire une maison en terre pour en avoir les bénéfices, assure Andreas Krewet, gérant d'Akterre, distributeur et producteur de produits en terre crue. Deux centimètres d'épaisseur sur les murs, que ce soit en enduit ou en panneaux d'argile, suffisent en général pour assurer le confort hygrothermique d'un logement. En rénovation, dans une salle de bains, 2-3 cm permettent de supprimer les problèmes de condensation. » Une étude réalisée par un ingénieur allemand spécialisé dans la terre crue, Christof Ziegert, montre qu'un enduit de finition intérieure de 2 mm absorbe 12 g/m2 (soit 1,2 kg pour 100 m2 de surface). Christof Ziegert souligne par ailleurs les différentes capacités d'absorption des terres en fonction du type d'argile qu'elles contiennent et de la surface spécifique des feuillets qui composent celles-ci (de 10 g/m2 pour la kaolinite à 1 000 g/m2 pour les argiles gonflantes telles les smectites). Cette propriété d'absorption de l'eau implique de respecter certaines règles de mise en œuvre. Dans le cas de murs de terre externes, le surplus de vapeur d'eau étant évacué vers l'extérieur à travers la paroi, il est important, afin d'éviter des risques de détérioration, notamment au niveau des joints, de préserver cette capacité du bâti en terre crue à respirer. Les enduits de base et de finition, en terre crue ou chaux aérienne naturelle, doivent donc eux aussi être perméables et ne pas contenir de ciment ou de résine, plus étanches que le mur lui-même. Le revêtement intérieur doit aussi être poreux. Lorsque les murs sont composés de plusieurs matériaux (mur en terre crue isolé par l'extérieur et recouvert d'un bardage bois ou façade en ossature bois doublée par un mur intérieur en terre crue), leur succession, de l'intérieur vers l'extérieur, doit favoriser la dispersion de l'humidité avec une perméabilité environ cinq fois plus importante côté extérieur que côté intérieur, afin d'éviter les risques de condensation à l'intérieur du mur. Quand un isolant est intégré au sein d'une paroi, par exemple entre l'ossature bois et le mur en terre cuite, un film freine-vapeur peut ralentir la pénétration de la vapeur d'eau dans l'isolant pour ne pas l'humidifier tout en permettant sa diffusion, mais non un pare-vapeur, trop étanche. À côté de ses capacités hygrothermiques, l'inertie est l'autre propriété thermique clé de la terre crue. Le matériau intègre les trois conditions nécessaires à son obtention : capacité thermique - même si celle-ci est moins élevée que celle du béton plein à volume égal (590 W/m3 °C pour le béton ; 510 W/m3 °C pour le pisé et 380 W/m3 °C pour l'adobe) -, diffusivité thermique, effusivité thermique.
La capacité thermique exprime l'aptitude d'un matériau à emmagasiner de la chaleur par rapport à son volume. Plus elle est importante, plus la quantité de chaleur à lui apporter pour augmenter sa température est élevée, ce qui permet de réduire l'amplitude des températures.
Grâce à sa faible diffusivité thermique (vitesse de transmission de la chaleur, exprimant par conséquent le temps de déphasage thermique à travers la paroi : plus elle est faible, plus la chaleur met du temps à traverser l'épaisseur du matériau), de l'ordre de 2,53.10-3 m²/h (5,92.10-3 m²/h pour la brique cuite), la terre offre l'avantage d'un amortissement et d'un déphasage important des variations et des apports thermiques externes. Enfin, son effusivité thermique (rapidité avec laquelle un matériau absorbe les calories) est élevée, ce qui contribue à sa capacité de régulation de température (21,6 W. h0,5/m².°C, alors que celle d'un bois résineux est de 6 W.h0,5/m².°C). Là encore, pour que l'inertie thermique fonctionne, la surface des murs intérieurs et des sols prévus pour agir comme masse doivent rester au maximum en contact avec l'air intérieur. L'isolation doit être placée à l'extérieur ou intégrée au mur et les doubles-plafonds, moquettes, revêtements étanches doivent être évités.
Des masses thermiques peuvent aussi être placées ailleurs où elles serviront de régulateur thermique et compenseront (dans le cas d'une construction bois) le manque d'inertie inhérent à ce système : cloisons en pisé ou en BTC, murs accumulateurs, en pisé ou en briques, situés en fond de serre bioclimatique pour stocker les apports solaires ou formant une masse derrière ou autour d'un poêle.
Tableau : Terre crue, béton, bois : propriétés thermiques comparées