Au musée du quai Branly, un « ciel étoilé » est réalisé à partir de 1 300 projecteurs disposés à 9 m de hauteur entre un filet en métal et un gril technique. Équipés de lampes halogènes 60 W, à réflecteur et déflecteur, avec des faisceaux de 8° à 24°, ils intègrent la gradation qui maintient le même niveau d'éclairement, quels que soient les apports de lumière du jour. (Doc. Georges Berne.)
Élément indispensable de présentation des œuvres, l'éclairage peut aussi être facteur de dégradation. C'est avec des scénarios modulables et en faisant appel à des technologies adaptées que mise en lumière et conservation des objets pourront se combiner.
En choisissant de montrer des œuvres, et donc de les éclairer, il faut accepter l'idée que l'on puisse les détériorer. La technique d'éclairage doit donc faire coïncider les exigences souvent antagonistes des visiteurs et des conservateurs pour protéger les œuvres exposées.
Avant même de se poser la question du contrôle de l'éclairage artificiel, il faut penser aux moyens de maîtriser la lumière naturelle. « Il faut savoir occulter et se protéger de la lumière du jour », déclare Jean-Jacques Ezrati, éclairagiste conseil au Centre de recherche et de restauration des musées de France. Rideaux épais, stores, pare-soleil. les systèmes doivent être prévus dès le projet architectural. Ainsi, la lumière naturelle, quand elle est contrôlée, peut représenter un atout, comme au musée de l'Orangerie. La mise en lumière, signée Anne Bureau, est assurée par l'éclairage artificiel en relais de la lumière naturelle qui baigne les espaces d'accueil du musée. Au musée des Invalides, le projet d'éclairage réalisé par Roger Narboni (Agence Concepto), a laissé la collection « De Saint-Louis à Louis xiii», située au rez-de-chaussée, bénéficier d'un apport maîtrisé de lumière naturelle.
Les grandes fenêtres orientées ouest des réfectoires sont partiellement filtrées devant les objets sensibles et les prises de jour des autres salles sont dotées de parois translucides. L'éclairage artificiel vient en appoint diurne lorsque nécessaire, et en substitution à la nuit tombée. Il peut aussi être utilisé seul et constitue alors un véritable moyen d'expression, une façon de donner du sens et de théâtraliser un espace.
Le visiteur doit être accueilli dès l'entrée par un éclairage général qui va le guider vers les espaces d'exposition, animer la présentation en créant une ambiance particulière. Il peut faire partie de la scénographie du musée : dans le hall d'accueil du Mémorial Charles-de-Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises par exemple, le parti pris par les scénographes Leconte & Noirot a été d'utiliser des puits de lumière naturelle venant de la verrière et un éclairage artificiel dynamique pour mettre en valeur l'architecture intérieure.
À l'inverse, les halls d'accueil peuvent être traités comme des zones intermédiaires qui permettent d'adapter l'œil du visiteur venant de l'extérieur à la luminosité diffuse des zones d'expositions, par exemple en choisissant un niveau d'éclairement de l'ordre de 1 000 lux. On l'obtient soit en tamisant l'apport de lumière naturelle (verres teintés, par exemple), soit en augmentant le niveau de l'éclairage électrique. Une autre solution consiste à choisir un niveau d'éclairement du hall sensiblement égal à celui des salles des musées, en utilisant le temps de séjour du visiteur dans cet espace (attente billetterie, librairie.) pour lui permettre d'accoutumer sa vision à la différence de luminance entre l'extérieur et l'intérieur. La nuit, le problème est inversé, mais 100 lux suffisent alors pour passer d'une ambiance sombre à une ambiance claire. L'Association française de l'éclairage (AFE) recommande un niveau d'éclairement de 150 lux dans les circulations, et de 200 lux dans les escaliers.
Les salles d'expositions doivent aussi bénéficier d'un éclairage général, même s'il n'est pas utilisé pour la présentation des objets : il est nécessaire aux opérations d'aménagement des espaces, d'entretien et de maintenance. Les luminaires, le plus souvent fluorescents, se font le plus discrets possibles pour ne pas interférer avec l'éclairage muséographique. Si, au contraire, il en fait partie, il est important de rechercher une certaine flexibilité en utilisant des systèmes modulaires et dynamiques.
Pour théâtraliser : éclairage d'accentuation
Pour répondre aux besoins de conservation et de mise en valeur des objets, la lumière se fait précise, orientée, dirigée, voire sculptée, pour accentuer telle zone, tel détail grâce à des technologies maintenant éprouvées. Celles-ci mettent en œuvre des projecteurs, comme à la Cité de la dentelle à Calais (conception lumière Agence 8'.18''), où les appareils disposés sur des rails suspendus, ont recréé une nappe, à la manière d'un faux plafond, tout en offrant une souplesse d'implantation totale, tandis que la muséographie respire la transparence et la légèreté.
Les projecteurs sont orientables et présentent plusieurs types de faisceaux : très étroits ou intensifs (« narrow spot »), ils ont une ouverture inférieure à 10° ; semi-intensifs (« spot ») elle se situe entre 10° et 20°, extensifs de 25° à 35° (« spot flood ») et très larges au-delà de 35°. La forme des faisceaux peut encore être ajustée pour obtenir plus précisément l'effet recherché, en ajoutant des accessoires aux projecteurs : couteaux pour recadrer, volets pour couper le flux, verres diffusants pour adoucir les contours de la lumière, gobos (des masques fins placés dans le chemin optique d'un projecteur à découpe afin de mettre en forme le faisceau), filtres correcteurs qui modifient la température de couleur, ou des filtres de protection notamment contre les infrarouges ou les ultraviolets (pour compléter les lampes UVstop). L'éclairage d'accentuation ne doit pas être confondu avec l'éclairage localisé : les vitrines, par exemple, sont un parfait exemple d'éclairage localisé. Il faut à la fois y éviter l'éblouissement et les reflets. Plusieurs solutions existent :
.disposer des vitrages de protection antireflets ;
.incliner les vitrages vers l'avant pour que les rayons réfléchis soient renvoyés vers le sol ;
.déplacer ou réorienter les sources créant les reflets ;
.utiliser un éclairage direct pour les tableaux sous des incidences qui renvoient les rayons lumineux vers le bas (angle optimal de l'ordre de 55° à 60° pour une hauteur de vue d'environ 1,60 m) ;
.éclairer plus fortement les objets exposés que ceux qui s'y réfléchissent ;
.éclairer les vitrines de l'intérieur.
Quelles lampes choisir
Les halogènes TBT ont encore de beaux jours : elles couvrent un large spectre de couleurs, sont appréciées pour leur excellent indice de rendu des couleurs (IRC), leur faible coût et sont très facilement gradables.
La fluorescence présente aussi des avantages : contrairement aux idées reçues, elle offre une large gamme de températures de couleur, même si celle-ci ne descend pas très bas dans les rouges. Elle présente surtout des efficacités lumineuse et énergétique compétitives. Bémol : elle ne convient pas à l'éclairage d'accentuation qui fait appel à des sources à flux concentré. Si les leds sont de plus en plus utilisées dans les musées pour leur longue durée de vie et surtout l'absence d'UV et d'IR, elles péchent encore par leur efficacité lumineuse insuffisante (60 lm/W) qui ne cesse pourtant d'augmenter. Il est vrai qu'elles se prêtent aussi à la gestion de l'éclairage, qu'il s'agisse de changements de couleurs ou d'intensité.
Comme ces dernières, mais pas pour les mêmes raisons, les lampes aux iodures métalliques restent encore à la porte des musées, car si leur taille permet l'utilisation de petits luminaires et qu'elles offrent un IRC de 95, elles sont en revanche difficiles à grader et ne se rallument pas à chaud. Elles sont donc souvent associées à d'autres sources de lumière.