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2 Acoustique Transmettre au mieux la voix des comédiens

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2 Acoustique Transmettre au mieux la voix des comédiens

Le Centre d’art et de la culture de Chongqing (Chine) compte trois salles, dont une de 800 places et deux de 400 places. L’acousticien Alain Tisseyre a travaillé les parois en bois noir, avec des caissons au plafond, en évitant les absorbants. Les loges sont grandes et peu profondes, afin d’éviter la perte d’énergie. (Doc. Architecte Cui Kai/Acoustique Tisseyre et associés.)

La puissance accrue des moyens de simulation et d’analyse aide les architectes et acousticiens à diversifier la forme des salles de théâtre.

Contrairement aux salles de cinéma, il n’existe pas de normes en France applicables à l’acoustique des salles de théâtre, mais la profession s’accorde sur des objectifs de qualitéacoustique.

L’enjeu principal au théâtre est de rendre intelligible pour tous les spectateurs la parole des acteurs sans amplification matérielle. Cela se définit par un bruit ambiant très faible et une bonne clarté, mesurée par le rapport en dB entre l’énergie des premières réflexions et celle des réflexions tardives. « Au théâtre, seules les réflexions presque immédiates dans la courbe de réponse ont une importance, souligne l’acousticien Daniel Commins. En revanche, pour une salle de concerts, la décroissance doit être plus continue, ce qui est plus complexe à obtenir. » Une bonne conception permet d’éviter un certain nombre d’écueils dont les échos, la focalisation de la réverbération (par exemple avec un plafond en dôme) et les réflexions du son sur scène qui pourraient gêner les acteurs.Les niveaux de difficulté rencontrée en conception augmentent avec la taille des salles. Jusqu’à 600 places, la conception demeure assez facile, du fait de distances raisonnables entre la scène et les spectateurs et une réverbération facile à gérer. Pour les très grandes salles, cela devient très difficile, car en pratique, une distance de moins de 25 mètres est préconisée entre le spectateur et la scène. La tendance ces dernières années est de se limiter à des salles moyennes pouvant accueillir entre 600 et 1 200 spectateurs.

Retour du théâtre à l’italienne

D’un point de vue constructif, la dernière décennie a été marquée par des équipements scénographiques de plus en plus complets, que ce soit en éclairages ou en projections d’images animées. Cette polyvalence scénique se traduit par une augmentation des dimensions de la cage de scène. « Avec les grandes cages de scène et la résurrection des balcons, nous assistons à un retour des théâtres à l’italienne. Il est vrai que leur intimité est plaisante et qu’ils donnent un renvoi intéressant aux acteurs. Les théâtres très frontaux, conçus il y a vingt ou trente ans, ont laissé place à des théâtres englobants, comme illustrés par nos dernières conceptions », confie l’acousticien Alain Tisseyre. Pour cet expert, auteur de l’ouvrage « Concert Halls and Operas, Acoustic Design », ce choix complique une des difficultés de la conception acoustique d’un théâtre, qui est que l’acteur puisse poser sa voix. Pour cela, il doit pouvoir s’entendre avec le même retour acoustique qu’il soit positionné en arrière de la scène ou en avant sur le proscenium. « Il est essentiel de ne pas oublier l’importance de l’acoustique de la cage de scène, confirme Daniel Commins, sa base doit être traitée acoustiquement sur plusieurs mètres de hauteur, afin d’éviter les échos nuisibles. »

Gestion des réflexions sonores

En l’absence d’amplification des voix des acteurs, le son doit se propager jusqu’aux spectateurs les plus lointains par une combinaison de transmission (par exemple dans le plancher de la salle) et de réflexions sur le plafond et les parois. L’inclinaison des murs latéraux, ainsi que des sous-faces éventuelles des balcons, doit être calculée afin de renvoyer au mieux le son vers les spectateurs. Un autre critère important est la largeur acoustique de la salle, qui diffère de la largeur physique définie par l’architecte. « Par exemple, le Corum de Montpellier (34) est une salle multifonction de 35 mètres de large, ce qui est trop large pour les premières rangées de spectateurs, détaille Daniel Commins. Deux murets ont donc été créés de 21 mètres de large, avec mezzanine, afin de renvoyer une partie du son vers le premier parterre. » Chaque élément de la salle doit être soigneusement étudié. Ainsi, Daniel Commins conseille d’équiper la salle en sièges absorbants, souvent traités avec des dessous en bois perforé, afin d’obtenir la même acoustique que le siège soit occupé ou non par un spectateur. « Et je considère qu’il ne faut pas plus de 90 cm entre les rangées de sièges, sinon les fréquences basses sont absorbées », souligne-t-il.

Plus nuancé, Alain Tisseyre affirme que : « L’idée maîtresse est d’utiliser des matériaux durs, réfléchissants, qui soient bien orientés, y compris pour les fauteuils qui peuvent être en bois et pas obligatoirement absorbants. Parfois nécessaire, l’utilisation de matériaux absorbants est pour moi un aveu d’échec. En effet, l’acoustique doit être réglée au niveau de la forme architecturale, obtenue par un travail commun entre l’architecte et l’acousticien ».

Simulation au service de l’innovation

Une des grandes nouveautés de la dernière décennie est l’essor de logiciels de simulation acoustique et la disparition des maquettes physiques. « Ainsi, plusieurs logiciels comme Catt-Acoustic (Suède) ou Odeon (Danemark) savent calculer la réponse acoustique d’une salle en conception. S’ils ne remplacent pas le savoir-faire, ils permettent d’éviter les très grosses erreurs », assure Daniel Commins.

De son côté, Alain Tisseyre développe depuis trente ans une maquette informatique Hall Acoustics, basée sur les éléments finis et qui vient en complément de la maquette infographique pour l’aménagement. Cette maquette dynamique permet en particulier de calculer et de visualiser l’évolution dans le temps de l’enveloppe sonore de chaque spectateur. Elle est devenue au fil des projets un outil indispensable de dialogue de l’acousticien avec l’architecte et le scénographe. De plus, elle permet d’innover en faisant preuve davantage d’audace dans la forme des salles. Le contrôle du résultat final est assuré sans devoir se limiter obligatoirement aux pratiques ayant déjà fait leurs preuves.

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