© Doc. AQC
MARTIN GUER est chef de projet Dispositif Rex Bâtiments performants au sein de l’Agence Qualité Construction.
Issu du chantier, devenu expert de la construction performante, Martin Guer est spécialiste de la sinistralité en lien avec la performance énergétique ou environnementale. Il s’est par ailleurs initié à la construction passive en devenant conseiller européen maison passive (CEPH) en 2014.
Critères de choix
Quels sont les principes de choix de ventilation dans un bâtiment très isolé ?
Le choix ne dépend pas de la performance thermique seule, en neuf, mais plus encore en rénovation. Si c’était le cas, l’optimum est obtenu avec la ventilation double flux. Elle est d’ailleurs aussi très intéressante s’il s’agit de se protéger d’une atmosphère extérieure polluante ou encore d’obtenir une isolation acoustique performante en milieu bruyant, à proximité d’une autoroute ou d’un aéroport.
En neuf, en théorie, bien conçu, bien posé, bien entretenu, ce système est optimal. En rénovation, cette option est soumise à de nombreuses contraintes liées d’abord à la disposition des lieux et à leurs potentialités, comme les hauteurs disponibles sous plafond, l’existence ou non de gaines ou de conduits réutilisables et exploitables pour la ventilation. Mais, en neuf comme en rénovation, enfin, la question de l’entretien et de la maintenance doit être intégrée dès le départ. S’il n’est pas possible d’en garantir un bon niveau, il est plus sage de se tourner vers des systèmes plus robustes ou plus simples.
L’approche multicritères est-elle importante en rénovation ?
Cela évitera bien des déboires. Il s’agit d’abord d’identifier avantages et inconvénients de l’existant. Ainsi, des appartements traversants facilitent la ventilation par la seule ouverture des fenêtres. Il importe ensuite d’évaluer les conditions de mise en place de la centrale et du réseau. Est-il, par exemple, possible de la placer en toiture ou en comble ? Dans le cas contraire, il faut sans doute remettre en cause le choix d’une ventilation centralisée et collective et revenir à des solutions individuelles. Certains composants peuvent avoir de l’importance, telles d’anciennes menuiseries équipées d’entrées d’air. Une ventilation double flux n’a pas de sens si elles sont conservées. Nous avons vu ce cas dans nos retours d’expériences.
Rex
Quelles leçons ces retours d’expériences apportent-ils ?
Ils montrent que plus le système est complexe et fragile, plus la trilogie conception-mise en œuvre-entretien et maintenance est importante. Les erreurs de conception vont du choix global du système aux sous ou surdimensionnement des gaines. Il est de fausses bonnes idées, comme ces systèmes collectifs de ventilation double flux dont la centrale est en toiture, les gaines le long de la façade, faute d’anciens conduits adaptés. L’expérience montre que malgré de très bons calorifugeages, les pertes en ligne sont trop importantes. On aboutit donc à la perte du surinvestissement dû à une ventilation double flux, car la récupération des calories sur l’air extrait ne s’effectue pas avec l’efficacité souhaitée. La mise en œuvre est source de nombreux déboires et nos retours d’expérience le montrent (lire page 36). Ne prenons qu’un exemple, une mauvaise étanchéité des réseaux génère des pertes qui abaissent sensiblement le rendement. On peut d’ailleurs penser que, dans quelque temps, la vérification de l’étanchéité des réseaux sera rendue obligatoire au même titre que la vérification de l’étanchéité à l’air du bâtiment.
Pathologies
Quels problèmes une mauvaise ventilation engendre-t-elle ?
Ils concernent les habitants et/ou le bâtiment. C’est d‘abord une dégradation de la qualité de l’air. Accumulation de polluants (COV) et de CO2, stagnation du radon, là où il y a risque, et, bien sûr, taux d’humidité élevé n’ont pas pour conséquences que de l’inconfort. La santé des habitants est menacée. Le bâti souffre également, car aux condensations de surface s’ajoutent les condensations internes. Les structures sensibles à l’humidité (comme le bois) sont putrescibles. L’humidité dans les isolants en abaisse les performances. S’y ajoutent encore le bruit d’une installation mal dimensionnée ou des effets de courants d’air si les bouches sont mal disposées, etc., etc.
Entretien
Vous insistez souvent sur la maintenance…
C’est une obligation stratégique que de maintenir l’installation dans son état optimum. Côté entretien, à la charge des occupants, le non-remplacement des filtres ou l’obturation des bouches par les usagers sont aussi courants aujourd’hui qu’il y a quelques années malgré d’importants efforts de pédagogie.
Côté maintenance, qui revient à des professionnels, en logement, contrairement à ce qui se passe dans le tertiaire, la négligence est fréquente. Au cours d’une étude menée par l’AQC sur la qualité de l’air, nous avons constaté que, bien que les maîtres d’ouvrage (en l’occurrence des bailleurs sociaux) aient passé des contrats pour la maintenance, celle-ci n’était pas, dans une grande majorité des cas, réalisée. Est-ce dû à une mauvaise formation des entreprises sur les procédures à suivre ? Il est donc essentiel que tout contractant vérifie régulièrement l’application du contrat d’entretien. La situation est pire encore en maison individuelle, le nombre d’acteurs de la maintenance compétents étant, semble-t-il, très insuffisant.
Systèmes
Les solutions de ventilation peuvent aussi évoluer. L’offre stagne-t-elle ou tend-elle à se développer ?
L’innovation est permanente. Elle s’ajoute à un ensemble de solutions déjà riche. La ventilation naturelle par ouverture des fenêtres reste encore une solution efficace dès lors que cette ouverture est limitée quand le froid d’hiver ou la chaleur d’été sont intenses. Il existe d’ailleurs, pour la ventilation nocturne des systèmes d’asservissement des fenêtres à une GTB. Des systèmes naturels et très simples, comme le tirage thermique, aux plus technologiques et plus complexes, comme la ventilation double flux, en passant par le simple flux A et B, hygro ou non, la ventilation mécanique répartie ou par insufflation, la gamme devient très riche.
On relèvera le développement des petits systèmes à poser pièce par pièce, même pour du double flux. Il existe aussi des procédés faisant appel à l’inertie d’un corps comme la céramique, des « trois-en-un » (ECS-chauffage et ventilation). Signalons enfin un retour du concept pariétodynamique intégré à des menuiseries.