CÉDRIC LEFEBVRE est directeur du patrimoine d’Habitat 76. L’office public de l’habitat du conseil général de la Seine-Maritime gère 28 000 logements, répartis sur 190 communes. A la suite du Grenelle environnement, il s’est engagé dans des travaux de rénovation de grande ampleur. Parmi ses réalisations, l’implantation de 32 000 m2 de panneaux photovoltaïques sur 200 bâtiments, et l’isolation par l’extérieur de 9 000 logements, d’ici à fin 2015.
Génie climatique
Comment évolue l’exploitation des équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation ?
L’environnement réglementaire devient de plus en plus pressant pour les bailleurs et implique des passations de marché rédigées avec une précision accrue. En outre, les contrats imposent désormais des résultats, là où ils encadraient la mise en œuvre de moyens. Cette quête du résultat a changé notre façon de travailler avec les entreprises. Nous discutons avec elles beaucoup plus en amont. Et puisque nous attendons d’elles des résultats, elles doivent nous faire des propositions techniques en ce sens. Cela nous amène à laisser la maîtrise technique aux entreprises et à privilégier les compétences de gestion en interne. A moyen terme, quelle sera la place de la compétence technique dans la gestion du patrimoine ?
Vous avez installé 32 000 m2 de panneaux photovoltaïques. Quel est l’impact en termes d’exploitation ?
Aucun. Ces contrats ont été passés avec EDF optimal solutions, qui travaille avec des entreprises locales ; celles-ci ont installé les équipements et les entretiennent. C’est transparent. Pendant trois ans, nous avons engagé un chargé de projet. Pour nous, le grand intérêt de cette installation extensive de panneaux a été une rénovation à moindre coût de nos couvertures. Au tarif de rachat actuel, je ne pense pas que cela soit aussi intéressant qu’à l’époque ; mais peut-être la baisse du coût du module photovoltaïque vient-elle le compenser ? Dans le Sud, cette question mérite en tout cas d’être étudiée.
Éclairage
Les leds ont-ils modifié le coût de l’éclairage des parties communes ?
Oui, et de façon drastique. D’ailleurs, nous recevons régulièrement des offres de rénovation complète à zéro euro, le fournisseur se rétribuant sur les économies d’énergie. Mais la baisse de la consommation est loin de constituer le seul avantage : le coût d’entretien d’un hublot à led avec détection de présence, par exemple, est quasi nul ; et les problèmes récurrents de dégradation des boutons poussoirs des minuteries sont résolus. A Dieppe, nous avons installé ces systèmes il y a cinq ans, dans trois bâtiments comptant 327 logements ; depuis, il n’y a eu aucune intervention. Nous estimons le retour sur investissement à cinq ans. Les locataires aussi bénéficient d’un confort supérieur du point de vue de la luminosité et surtout, de l’absence de pannes. Enfin, les charges ont été divisées par quatre.
Ascenseurs
La loi « Urbanisme et habitat » de 2003 impose un entretien régulier des ascenseurs, et des exigences accrues à chaque échéance (2010, 2014 et 2018). Quelles ont été vos actions ?
Depuis 2005, nos marchés couvrent les trois échéances. Les travaux - qui ont concerné 270 ascenseurs sur 326 - se sont achevés en 2013, pour un coût de 8 M€ HT. Le taux de disponibilité des équipements atteint aujourd’hui 99,3 % sur l’année. En complément, nous avons équipé de dispositifs de vidéosurveillance 30 % des halls et quelques ascenseurs parmi les plus vandalisés. A Dieppe, nous avions couplé la pose des éclairages led à des caméras. Pour les trois bâtiments, le budget « dégradations » est passé de 32 000 à 8 000 euros par an ; et nous estimons le retour sur investissement à trois ans. « Bénéfice collatéral » : le taux de vacance des logements a diminué. Il n’y avait rien de plus dissuasif pour des locataires potentiels que de trouver un ascenseur en panne ou des parties communes dégradées.
Façades
Peut-on parler d’exploitation, concernant les façades ?
La récente isolation thermique par l’extérieur (ITE) d’une partie de notre patrimoine, avec bardage ou vêture, m’invite à parler désormais d’exploitation des façades. Du fait de ces éléments, le risque de chute est supérieur, et une veille devient nécessaire. Ensuite, nous devons gérer un stock de ces produits, afin de nous assurer que dans vingt ou trente ans nous disposerons des mêmes. Enfin, l’isolation des bâtiments génère des parois extérieures plus froides, et donc, de la condensation. En zone rurale, celle-ci favorise la fixation des graminées. Des façades nord-est de nos ouvrages ont verdi, en six mois. Les produits ne sont pas en cause : il peut s’agir aussi bien d’enduits que de grès ou de panneaux en résine, des matières assez lisses en somme. Nous avons donc formé une équipe pour nettoyer les façades à l’eau osmosée. L’intervention est limitée à des bâtiments de moins de 5 étages, soit l’essentiel de notre patrimoine en zone rurale, par chance.
Communication
Comment impliquez-vous vos locataires ?
Nous sommes soumis à une obligation de concertation, quand les travaux envisagés génèrent des charges supplémentaires ou des hausses de loyer. En plus des réunions publiques et des courriers de consultation, nous proposons des réunions en pied d’immeuble. Nous rencontrons ainsi beaucoup plus de personnes et la communication est bien plus fluide.
Perspectives
Que vous reste-t-il à faire en matière d’exploitation ?
Il nous faut mener une réflexion sur la maintenance. Pour l’équipement chauffage, ventilation et climatisation (CVC) d’un immeuble par exemple, nous avons quatre contrats (générateur, conduit de fumées, ventilation, robinetterie), donc quatre demi-journées d’intervention par an par logement. Une seule doit être possible. De même, peut-être faut-il envisager un intéressement de l’entreprise, avec pour critère le nombre de visites. J’espère que les fonctionnalités du « bâtiment connecté » nous aideront à rationaliser nos interventions. De nombreuses pistes de travail existent. Jusque-là, on peut dire que le neuf, c’était l’aristocratie ; la rénovation, la bourgeoisie ; et l’exploitation, le tiers-état. Ce dernier volet présente les plus gros risques pour la sécurité des locataires. À ce titre, il est stratégique.