Les éco-récifs de 10 t, préfabriqués dans l’usine des Industries sartenaises, à Propriano, sont composés de quatre plaques empilées reposant sur trois pieds. (Doc. Razel-Bec.)
Ces structures de lestage immergées, au design spécifique, préservent la biodiversité en permettant de recréer des espaces naturels pour la faune et la flore locales.
La protection de la biodiversité marine est aujourd’hui un enjeu majeur pour tous les projets d’aménagements en façade littorale, ceux-ci s’accompagnant désormais de mesures compensatoires, afin de limiter leur empreinte écologique.
Exemple avec la Communauté de communes du Sartenais-Valinco (Corse-du-Sud) qui, dès les premières études visant à la construction de sa nouvelle Station d’épuration (Step), a souhaité s’inscrire dans cette démarche en choisissant une solution plus durable, susceptible de favoriser la faune et la flore aquatiques.
L’ouvrage situé à Capo Lauroso, au large de Propriano, comprend en effet un émissaire en fonte de 1 100 m (diamètre 500 mm) qui assure le rejet en mer des eaux traitées dans la station.
Écodesign pour les récifs
« La conduite, immergée jusqu’à 35 m de profondeur, devait être lestée par l’intermédiaire de 45 cavaliers béton, afin d’éviter tout risque de déplacement sous l’effet de l’action du vent et des courants », explique Frédéric Martareche, directeur Export de Razel-Bec (groupe Fayat). La mise en œuvre de récifs artificiels, destinés à assurer la protection du diffuseur contre d’éventuels chalutages sauvages, figurait également au programme. Sur les conseils de son maître d’œuvre, l’intercommunalité a donc privilégié l’innovation en optant pour une solution « d’éco-cavaliers », déjà expérimentée par Egis Eau sur l’île de Mayotte. Ces lests en béton (4 tonnes), caractérisés par leur forme particulière, sont conçus pour remplir une fonction d’habitat pour la flore et la faune. Parallèlement, et afin de protéger l’émissaire en mer, 15 « écorécifs » (poids unitaire 10 t), similaires aux prototypes immergés au Cap d’Agde (voir encadré), ont été préfabriqués dans l’usine des Industries sartenaises, à Propriano.
Ces structures particulières, qui bénéficient également d’un « écodesign », sont composées de quatre plaques empilées (diamètre 3 m), reposant sur trois pieds. Les nombreux interstices de dimensions variables, façonnés au moyen de murets, permettent de créer une grande diversité d’habitats qui favorise, ainsi, leur colonisation par des espèces nombreuses et variées. « Les plaques en béton sont reliées par un système non-métallique, pour lequel un brevet a été déposé, souligne Frédéric Martareche. Toutes ces structures immergées sont, par ailleurs, exemptes d’armatures, celles-ci étant remplacées par des fibres en polypropylène. » Leur état de surface (porosité, rugosité) particulier a également été étudié en vue de faciliter l’accrochage des micro-organismes, l’arrivée de ces derniers favorisant par là même le développement des algues et des animaux filtreurs : hydraires, spongiaires, annélides, mollusques.
Des coquilles dans le béton
Sur le plan économique, le surcoût engendré par cette démarche environnementale serait inférieur à 10 %, au regard de la mise en œuvre de parallélépipèdes béton classiques. Dans la pratique, les possibilités d’application de structures fibrées seraient nombreuses. « Elles concernent la construction de tous les ouvrages sous-marins, des digues aux récifs en passant par tous les corps morts avec, au premier rang, la construction de fondations d’éoliennes off-shore. Tous ces ouvrages méritant, à l’avenir, d’être traités comme des contributeurs de développement de la biodiversité. »
La prochaine évolution du procédé pourraitêtre l’emploi d’un béton coquillé déjà testé sur d’autres prototypes. Sans entrer dans les arcanes d’une formulation confidentielle, qui constitue bien entendu une des clés du produit, Frédéric Martareche révèle que « dans ce béton, une fraction de sables est remplacée par des coquilles concassées ». En prime : des économies en termes de ressources naturelles. « La possibilité de substituer une partie des sables terrestres par du calcaire d’origine animale répond aux préoccupations environnementales actuelles, d’autant plus que nous sommes en présence d’une source renouvelable », poursuit Frédéric Martareche.
Ce matériau constitue également un avantage écologique évident, puisqu’il permettrait de recycler des résidus organiques considérés, jusqu’alors, comme des déchets qui nécessitent le développement de filières industrielles spécifiques. D’autant que les résidus ostréicoles seraient, par ailleurs, susceptibles de favoriser la malaïgue qui sévit certaines années sur l’étang de Thau, en rendant impropre une partie des coquillages.